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l’aide de la charité privée, représentée par les comités de secours. Les secours donnés par les gardiens en dehors du workhouse s’adressent donc surtout aux plus pauvres d’entre les ouvriers, à ceux qui, n’ayant jamais eu d’épargnes, s’étaient déjà trouvés dans les moindres crises obligés d’avoir recours à eux, à ceux qui vivaient d’industries secondaires et précaires, et à une classe, fort pauvre et très nombreuse, qui dépend des ouvriers des manufactures, et devait par conséquent ressentir même avant ceux-ci les effets de la ruine qui les menaçait. Telles sont, par exemple, toutes les femmes qui, ne travaillant pas elles-mêmes à la filature, étaient employées par les ouvrières comme nurses à veiller sur les enfans en bas âge. Il y a peu de cottages où ne se trouvât une de ces nurses qui avait soin de tous les enfans des deux ou trois familles habitant la maison. Aussitôt que le travail fut interrompu, les mères de famille, condamnées à rester chez elles, se hâtèrent de congédier ces bonnes d’enfans, qui se trouvèrent ainsi les premières réduites à la misère.

Au début de l’œuvre des comités, cette distinction entre les pauvres qu’ils secouraient et ceux qui étaient à la charge des gardiens n’avait pu s’établir complètement. Ceux-ci, ayant trop de monde sur les bras, ne pouvaient souvent donner que des secours insuffisans. Les comités durent s’occuper de les compléter. Ils le firent avec tout le soin possible, contrôlant leurs livres par ceux des gardiens; mais il y avait là une source d’embarras et d’abus : il était difficile de savoir dans quelle mesure un grand nombre de pauvres puisaient à ces deux sources. Et d’ailleurs les comités tenaient avec raison à réserver toutes leurs ressources pour cette classe nombreuse et si intéressante qui luttait encore contre une cruelle misère plutôt que d’accepter une aumône officielle. Ce travail n’est pas encore accompli partout : à Manchester par exemple, il est bien moins avancé qu’à Blackburn, où l’on peut regarder la séparation comme complète; mais on finira par réussir, et l’œuvre charitable, poursuivie concurremment, mais dans des classes différentes de la population, par les représentans de la charité privée et les agens officiels, y gagnera beaucoup en efficacité.


V. — LES OUVRIERS.

Comme je l’ai dit, les souffrances du Lancashire ne frappent pas les yeux du passant; la misère ne s’y étale pas, et pour se persuader que ces souffrances existent, il faut aller les chercher. Aussi, après avoir visité les établissemens de charité où les pauvres sont pour ainsi dire en public, après avoir vu ce que les riches faisaient pour eux, était-il naturel d’aller les voir chez eux. M. Birch, secrétaire du comité de Hulme, allait visiter un certain nombre de familles qui