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villes, cette population change peu. Cette misère-là y est comme une maladie à l’état chronique. Les pauvres que des crises inattendues obligent d’avoir recours au bureau des gardiens forment une classe bien supérieure à la précédente. C’est pour les secourir que les gardiens usent de la latitude que leur laisse la loi, La manière dont ils leur distribuent les secours est absolument semblable, ou plutôt a servi de modèle au système adopté par les comités. Ils ont sagement renoncé à exiger des assistés un travail manuel improductif et inutile pour des ouvriers qui ont déjà un métier. D’anciennes filatures ont été louées et transformées en écoles pour les hommes, les femmes et les enfans. La présence à ces écoles est exigée de tous ceux qui ne sont pas infirmes, et leur donne droit à un secours qui est en moyenne de 1 shill. 9 d. par semaine. Les classes sont de cinq heures par jour, et le samedi est accordé aux assistés pour se chercher une occupation. Quant aux femmes, le temps est partagé entre l’enseignement primaire et l’école de couture. Pour la fixation des secours, l’on tient compte dans une certaine mesure du salaire que recevait l’ouvrier avant le chômage. Ces secours sont donnés soit en argent, soit en bons sur les cuisines fondées et administrées directement par les gardiens, et plutôt encore partie en argent et partie en bons.

Le nombre des pauvres secourus par les gardiens dans les vingt et une unions frappées par la crise s’est élevé dans la seconde semaine de décembre 1862 à 278,110; dans la première semaine de janvier 1863, il était retombé à 259,850. La dépense de leur entretien s’élevait, comme je l’ai dit, le 27 décembre à 17,934 liv. sterl. 5 shill. 8 den. par semaine, et sur les quinze dernières semaines elle a été en moyenne de 15,907 liv. sterl. ou tout près de 400,000 fr. Cependant les secours distribués de la même manière par les gardiens et par les comités s’adressent à deux classes distinctes de pauvres, et c’est à établir nettement cette division importante et nécessaire que les uns et les autres travaillent en ce moment.

Il ne faut pas croire que la charité privée soit simplement venue partager une tâche dont les agens de la charité officielle auraient pu, avec de plus grandes ressources, se charger tout seuls. Elle est venue en aide à une classe d’ouvriers malheureux que l’assistance légale aurait profondément humiliée et démoralisée. Cette double organisation répondait à des besoins divers de la population qu’il s’agissait de secourir. Parmi les milliers de familles qui n’avaient de commun qu’une même misère, il y en avait beaucoup qu’une vie honnête, indépendante et même aisée avait habituées à regarder comme une dégradation toute aumône reçue des gardiens, sous quelque forme qu’elle fût donnée. C’est souvent avec hésitation, mais toujours cependant avec reconnaissance, qu’elles acceptent