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Nous serions injustes, si nous disions que toute lumière à cet égard nous a été refusée. Nous avons reçu nous-mêmes de la Seine-Inférieure des renseignemens intéressans sur les effets de la crise, sur les moyens employés pour la combattre, et nous nous sommes empressés de transmettre au public les principaux résultats de nos informations particulières; mais parmi les réponses que nos pressans appels ont obtenues, la plus complète et la plus instructive nous vient du dehors, et a pour objet la détresse du Lancashire. C’est bien d’ailleurs la pensée de notre pays qui a inspiré les notes qu’on nous adresse sur la misère des pauvres ouvriers du Lancashire et le système de secours qui s’est organisé en leur faveur. On sait « qu’il suffit pour éveiller la généreuse sympathie de la France de lui montrer un droit violé ou une misère imméritée. » On sait « qu’elle n’a pas besoin de chercher ses modèles hors d’elle-même. » On a cru cependant que « l’exemple d’un peuple voisin ne pouvait que stimuler le zèle charitable de notre pays, et qu’en contribuant à faire connaître tout ce que l’Angleterre accomplit aujourd’hui pour soulager la misère de ses districts cotonniers, on grossirait peut-être le nombre de ceux qui en France ont entrepris une tâche semblable. » Cette pensée nous engage à mettre à profit les précieuses observations qui nous sont transmises sur la détresse du Lancashire et le mouvement de la charité publique en Angleterre. On verra que les enseignemens qui ressortent de cette enquête consciencieuse et animée peuvent de bien des manières servir à la France.

L’observation utile, voir le mal tel qu’il existe et décrire les moyens employés pour le combattre, telle a été en effet la préoccupation dominante de cette sorte d’enquête. Frappé, comme on ne peut manquer de l’être lorsqu’on vit en Angleterre, de l’unanimité qui a donné à une simple souscription les proportions du budget d’un petit état, on a voulu se rendre compte de la détresse qui excitait une sympathie si générale et de la façon dont on travaillait à la soulager. L’observateur se borne à dire ce qu’il a vu. Il ne discute pas les questions économiques irritantes et intempestives que cette crise a soulevées: les meilleurs juges sont divisés dans l’appréciation de ces questions; ils ne sont d’accord ni sur les ressources en coton que l’Inde pourra nous fournir, ni sur la durée probable du chômage, ni sur l’influence que la guerre d’Amérique a exercée, ni enfin sur les résultats qu’on peut attendre de la cessation de cette guerre. Au-dessus des faits par eux-mêmes si attachans qui sont ici exposés, on n’a en vue que la question générale qui s’en dégage, question qui ne peut laisser indifférent aujourd’hui quiconque appartient à une société civilisée. Dans ce qui se passe en Angleterre comme en France, ce qui est en effet en question.