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pourraient parler peut-être; mais si quelqu’un de vous n’est pas tranquille, si par la main, le conseil ou l’intention, il a contribué à faire de ce vivant un cadavre, que celui-là m’entende! Avant que ce corps ne soit réduit en poussière, je le jure, moi Paolo Gambini, comte de Minerva (et il étendit la main sur la poitrine du mort), il sera allé en rendre compte à Dieu. Maintenant qu’on amène un prêtre, car l’heure des funérailles est venue.

Le prêtre attendu venait d’arriver. L’enterrement se fit dans la soirée, et j’abrège les détails de la fête mortuaire qui suivit si brusquement la fête nuptiale. Au retour du cimetière, tous les invités se réunirent de nouveau dans la salle basse. Gambini, qui avait pris le rôle de chef du deuil, remercia ceux qui l’avaient suivi. Puis, après s’être excusé auprès du vieux Sanarès du trouble qu’il avait apporté dans sa maison, il donna ordre à Gian-Gianu de veiller aux préparatifs du départ. Quelques instans après, nous revîmes Efisa. Deux femmes la soutenaient. Une fièvre violente enflammait ses joues et agitait tout son corps. On l’installa le mieux possible sur un matelas, et la même charrette qui avait apporté son amant mort l’emporta mourante.


III.

Que s’était-il passé? J’avais grand besoin des explications de Gian-Gianu, et avant de continuer mon récit je les résume telles que me les donna le neveu adoptif de Gambini avec sa franchise habituelle.

La veille des fêtes du mariage d’Antonia, Gian-Gianu se trouvait à la ferme d’Ossano, d’où il devait partir avec Efisa et Gambini pour Villanova-Monteleone. Dans la journée, un pâtre avait apporté une lettre à Gambini, ce qui était presque un événement dans un pays où l’on n’écrit guère. Aussitôt Gambini était monté à cheval et n’était rentré que plus d’une heure après. A son retour, il n’avait donné aucune explication sur l’objet de cette course; mais on aurait pu remarquer dans ses façons plus de brusquerie et de violence qu’à l’ordinaire. Au souper, il annonça qu’il partirait dans la nuit pour la tanca de Brâ; dans la journée du lendemain, il comptait rejoindre sa fille et son neveu à Villanova-Monteleone. En effet, le bruit d’une porte qu’on ouvrait avec précaution éveilla Gian-Gianu dès les premières heures de la nuit. Cette porte mettait le vestibule en communication avec l’enclos des chevaux. Gian se leva, et, s’étant approché de la croisée, vit son oncle, en manteau et le fusil sur l’épaule, traverser l’enclos, puis, sans prendre un cheval, s’élancer à pied à travers la campagne. Quoique les habitudes de Gambini