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les officiers et moi, dans l’escorte des paralinfos ou garçons d’honneur, qui étaient au nombre de douze. Chacun choisit un cheval au hasard et suivit le cortège. Derrière les cavaliers venait la longue file des chars. Un quart d’heure après, nous arrivâmes devant la maison de la fiancée. Les portes et les fenêtres en étaient hermétiquement fermées, bien qu’elles fassent garnies extérieurement de tentures, de fleurs et de rubans. Conformément à l’usage traditionnel, on allait simuler le siège de la maison. A l’appel du vieux Sanarès, qui courut frapper à la porte close, rien ne répondit. Tout le cortège alors s’avança, poussant de vives clameurs et comme animé d’intentions agressives. Enfin l’oncle de la jeune fille, remplaçant le père qu’elle avait perdu, parut à une fenêtre : « Etes-vous des amis et apportez-vous de bonnes nouvelles? » demanda-t-il aux arrivans. Le vieux Sanarès fit la réponse consacrée : «Nous sommes des amis et nous apportons honneur et vertu. »

Une cordiale réception suivit ces préliminaires. Le chef des Paolesu ouvrit la porte, appela les domestiques chargés d’attacher nos chevaux aux anneaux de fer scellés dans la muraille. De nouvelles cérémonies commencèrent alors, car tout mariage en Sardaigne est un petit drame dont le dialogue et la mise en scène sont fixés par la tradition. Ainsi le vieux Sanarès exposa d’un ton lamentable à l’oncle Paolesu qu’il venait dans son habitation à la recherche d’une brebis favorite qu’il avait perdue et qui était la joie de sa maison. L’oncle joua de son mieux la surprise; il n’avait pas vu la chère brebis, mais il invitait les arrivans à la chercher eux-mêmes. Nous entrâmes dans une salle basse où étaient réunis les parens et les amis de Paolesu; puis nous montâmes au premier étage, où nous attendaient les parentes et les amies. Tout cela se fit dans le plus grand silence. Alors l’oncle Paolesu, prenant par la main Sanarès, le conduisit devant l’une des femmes réunies, celle qui était placée le plus près de la porte. «Est-ce la brebis cherchée? — Non, » répondit Sanarès, et toute l’assistance féminine fut passée en revue. Enfin on s’arrêta devant la fiancée : « C’est elle! c’est elle! » s’écria Sanarès, et aussitôt la jeune fille toute rougissante tomba dans les bras du vieillard, qui la présenta à son fils. Celui-ci tira d’une boîte portée par l’un des garçons d’honneur de riches boucles qu’il passa lui-même aux oreilles de sa fiancée ; un collier de corail, une bague à chaton (non point encore l’anneau nuptial) vinrent également compléter la parure d’Antonia. C’était le moment où toute la famille des Sanarès allait offrir ses cadeaux, où la jeune fille elle-même allait répondre à ces hommages en distribuant avec profusion des bouquets noués de rubans d’or. Sur l’ordre de l’oncle Paolesu, on apporta les confetti. Gâteaux, dragées, flacons de vins aux re-