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Si tu dois être encore notre esclave, ne me préfère ni la douceur d’être libre, ni la gloire des combats. Ne permets plus que les déesses t’enlèvent d’auprès de moi ! Ai-je besoin que ton nom soit inscrit sur un drapeau, ou qu’il soit gravé sur le bronze, pour savoir que ton cœur est fier et ton bras invincible ? Bactis, ne t’en va plus, car un jour de plus j’étais morte, et tu aurais vu mon ombre désolée marcher à tes côtés dans la nuit, ou gémir à ton chevet jusqu’au retour du matin.

BACTIS.

Fille adorée, espère encore. À qui fait son devoir, le Destin daigne sourire. Mais voici ton père… tout éperdu ! Que lui est-il donc arrivé ?


SCÈNE V.
BACTIS, MYRTO, CHRÉMYLE, CARION, tous deux en désordre, effarés et terrifiés.


CHRÉMYLE, embrassant Myrto, qui court au-devant de lui.

Ma fille ! Je craignais de te trouver morte ! Ta mère, où est-elle ?… Ton frère…

MYRTO.

Ils n’ont pas quitté la maison, et aucun de nous n’était en danger ; mais vous ?…

CHRÉMYLE, troublé.

Oh ! oui, moi ! La tempête !…

CARION.

Les éclairs !…

CHRÉMYLE.

Le vent !…

CARION.

La grêle !…

CHRÉMYLE.

Et la foudre !…

CARION.

Une bourrasque à décorner des minotaures !

CHRÉMYLE.

Des serpens de feu qui semblaient les flèches d’Apollon en courroux !

CARION.

Les murs du temple ébranlés par les hoquets du Tartare !

CHRÉMYLE.

Et la propre foudre de Jupiter éclatant sur nos têtes !

CARION.

Brisant sur l’autel l’image de Plutus aussi menu qu’une tête d’échalote dans un mortier à saucisses !

CHRÉMYLE.

Et au retour quel désastre ! Ma récolte de l’année perdue, mes champs ravagés, mes plantations hachées !…