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nous avait forcés de revenir à la voile et avait retardé notre retour ; elle allait nous retenir plus d’un mois sur la rade de Gorée.


V.

Ce temps de relâche forcée ne fut pas perdu pour nous. En ce moment s’agitait une question de la plus grande importance pour la colonie du Sénégal, celle de l’itinéraire des paquebots transatlantiques du Brésil. Devaient-ils accomplir les conditions du cahier des charges et passer à Gorée ? ou bien, profitant des facilités que l’industrie d’un sujet anglais a créées, pour l’embarquement du charbon, dans la rade de Saint-Vincent, l’une des îles du Cap-Vert, devaient-ils venir s’approvisionner dans cette rade portugaise et en faire leur escale dans l’Océan ? Nous avions, dans l’intervalle de deux expéditions, fait un voyage à Saint-Vincent, avec une commission chargée d’étudier cette question au point de vue maritime. La rade de Dakar, en face de Gorée, nous avait paru, au moyen de quelques travaux peu coûteux, offrir tous les avantages de celle de Saint-Vincent. Nous ne reviendrons pas sur cette question, aujourd’hui résolue, et si la solution a été celle que demandaient les intérêts immédiats de la compagnie, si Saint-Vincent a été choisi comme point de relâche de nos paquebots, les travaux projetés à Dakar à la suite de cette enquête n’en justifient pas moins l’opinion émise alors en faveur de cette rade. Une jetée de 500 mètres, par des fonds croissant régulièrement jusqu’à 10 mètres, formera un abri assuré contre tous les vents, même contre les tornades, les seules tempêtes à redouter sur cette rade. Quand on aura construit cette jetée, dont les travaux doivent occuper trois cents hommes des compagnies de discipline expédiés d’Algérie à Gorée, quand les dépôts de charbon, les chemins de fer et les warfs qui les desserviront seront achevés, Dakar, à tous les points de vue, pourra rivaliser avec l’île portugaise, qu’a choisie la compagnie transatlantique. Comme autrefois Gorée pour les navires à voiles, cette rade sera le point de relâche obligé de tous les bateaux à vapeur qui se rendent dans les deux Océans par-delà le cap Horn et le cap de Bonne-Espérance. Les ressources en tout genre qu’elle leur offrira en vivres, en eau douce, en bœufs, lui assurent même une supériorité incontestable. Elle sera de plus le port militaire de notre colonie, le débouché des produits agricoles de Cayor, du Sin, du Salum, auxquels la culture du coton promet une importance réelle, et que les caravanes apporteront par terre, aussi bien que l’entrepôt des riches produits de la Cazamance et des rios du sud. Ce jour n’est pas éloigné, si les travaux sont poursuivis