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taient les restes de la population de Guémou, les survivans de la lutte, devenus, par les lois de la guerre et de la barbarie africaines, les esclaves de nos auxiliaires du Bondou et du Gadiaga. On devine combien un tel spectacle nous était odieux et avec quelle joie je me retrouvai abord de l’Etoile, au milieu de mes officiers, de mes amis. Le lendemain matin, à huit heures, la flottille quittait à toute vapeur Diougoun-Touré et reprenait le chemin de Saint-Louis. Notre mission de soldat était accomplie, il nous restait à remplir celle de marin, et cette dernière tâche n’était pas la moins pénible. On le comprendra au spectacle qu’offrait le pont de l’Etoile. Sur l’arrière, transformé en hôpital, plus de quatre-vingts blessés étendus sur le pont, en proie à toutes les souffrances de leurs blessures, de la chaleur et des moustiques ; sur l’avant, cinq cents hommes entassés les uns sur les autres nous laissaient à peine, au capitaine de rivière et à moi, l’espace suffisant pour diriger les manœuvres. Les eaux cependant baissaient avec rapidité, les passages pouvaient nous être fermés d’un moment à l’autre. Aussi, bien qu’un échouage dans de telles circonstances pût avoir les plus graves résultats, il était indispensable de naviguer le jour et la nuit. Un seul échouage retarda de quelques heures notre traversée. Le 2 novembre 1859, l’Etoile, amarrée aux quais du fleuve devant le pont du Gouvernement, débarquait à Saint-Louis ses passagers, que la population entière de la colonie saluait des plus chaleureuses acclamations.


IV.

L’expédition de Guémou résume dans ses incidens le caractère distinctif des principales expéditions dans les pays du bassin sénégalais proprement dit. Des coups aussi rudement frappés imposent pour longtemps le respect de notre puissance. D’assez longs intervalles de repos succéderaient donc pour les troupes de la colonie à ces fatigues exceptionnelles, si le développement qu’ont pris nos relations commerciales avec les provinces du sud n’y exigeait pas chaque année une intervention plus ou moins sérieuse, plus ou moins prolongée de nos forces. À peine réunis à Saint-Louis, les derniers détachemens qui avaient formé la colonne expéditionnaire de Guémou durent se disposer pour une nouvelle campagne. Les provinces de la Basse-Cazamance devaient en être le théâtre.

Si l’on jette les yeux sur une carte de cette région de l’Afrique occidentale, comprise entre les 5e et 10e parallèles nord et limitée d’un côté par l’Océan, de l’autre par le cours du Niger, on voit que des plateaux élevés du Fouta-Dialon, où les trois grands fleuves africains, le Niger, le Sénégal et la Gambie, prennent leur source.