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pour notre influence. Cependant une pareille situation ne pouvait se prolonger indéfiniment. Chaque jour passé dans l’inaction augmentait l’audace des partisans d’Al-Agui et détruisait le prestige de nos dernières victoires. Les relations de Bakel avec les provinces de l’intérieur étaient interrompues depuis longtemps, les traitans du Haut-Sénégal entièrement ruinés. Aussi, lorsque la chambre de commerce de Saint-Louis, organe des intérêts de la colonie, et en général si opposée aux expéditions de guerre, fit connaître dans une adresse au colonel Faidherbe la résolution de tous les négocians d’abandonner Bakel si Guémou n’était pas détruit, cette démarche décida le gouverneur, qui l’attendait sans doute. La résolution arrêtée, l’exécution fut aussi prompte qu’énergique. En moins de trois jours, tous les préparatifs furent terminés. Le 18 octobre 1859, la flottille sous toute vapeur, aux ordres du commandant supérieur de la marine, le capitaine de frégate Gaston Desmarais, appareillait de Saint-Louis, emportant toutes les forces disponibles de la colonie, à la tête desquelles avait été appelé M. le chef de bataillon Faron, de l’infanterie de marine. Plein de confiance dans ces deux officiers et retenu d’ailleurs par des considérations qu’il est facile de deviner, le gouverneur demeurait à Saint-Louis pour surveiller les événemens.

Sept années d’hostilités incessantes avaient donné à tout le monde une telle habitude de ces expéditions soudaines que, malgré le peu de temps laissé à l’exécution des ordres du gouverneur, tous les préparatifs de l’expédition, l’embarquement des chevaux, des mulets, des vivres, des munitions, de tous les impedimenta en un mot d’une colonne destinée à agir loin de son point de débarquement, s’achevaient dans le temps prescrit avec la plus parfaite régularité. La colonne expéditionnaire se composait du bataillon des tirailleurs sénégalais, 450 hommes, de trois compagnies blanches d’infanterie de marine, 250 hommes, d’une batterie d’obusiers de montagne, d’une demi-compagnie de fuséens, enfin de 25 spahis démontés, et des compagnies de débarquement de la flottille, formant un demi-bataillon de 250 laptots. Tous ces détachemens réunis donnaient le chiffre, relativement assez considérable, de 1,200 hommes. Les populations belliqueuses du Bondou sous les ordres de l’almamy Bou-Bakar-Saada, les volontaires de Bakel et du Gadiaga, devaient, avec la garnison du poste, élever ce chiffre à 2,000 hommes. Jamais des forces européennes aussi considérables n’avaient été rassemblées, même sous les ordres des gouverneurs, dans ces régions éloignées.

Si, par la réunion de tous les moyens d’action dont il disposait, par le secret de ses décisions, la promptitude de ses mesures et le choix de ses lieutenans, le chef de la colonie avait, autant qu’il dé-