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et populeux, sont tous bâtis sur les points les plus élevés de la rive gauche. L’inondation de 1861, qui restera dans les souvenirs du pays comme une des plus considérables, ne les a point atteints. Habités par une race aussi agricole, mais moins turbulente que celle des Toucouleurs, ils sont tous entourés de riches cultures au milieu desquelles les gonakés n’apparaissent plus que de loin en loin. Les arbres les plus communs sont désormais les roniers, les palmiers de différentes familles, surtout des tamariniers d’une grandeur et d’une élégance de forme admirables. Ces arbres au feuillage pittoresque, la succession rapide des chaînes de collines à chaque contour du fleuve, les villages de plus en plus rapprochés, donnent au paysage une vivacité singulière, un charme qui repose de la monotonie des forêts que l’on vient de traverser.

Le poste de Bakel marque le point extrême de cette partie du bassin du fleuve. La forteresse, bâtiment quadrangulaire à vastes arceaux, entourée de grands remparts de pierre grise, domine du haut d’une colline rocheuse et les villages indigènes bâtis à ses pieds et le fleuve, qui semble s’être creusé de vive force un passage à travers la chaîne élevée qui de Bakel s’enfonce dans le Gadiaga et le pays des Dowich. Quatre tours de garde sur les sommets voisins, une ceinture de murailles qui les relie toutes, ajoutent à l’importance militaire de la forteresse principale, et révèlent l’intérêt que la France attache à la possession de ce grand marché intérieur.

Au-delà de Bakel jusqu’au confluent du Sénégal et de la Falémè d’un côté, jusqu’à Médine et aux cataractes du Félou de l’autre, l’aspect du pays ne change pas. Les villages ruinés par Al-Agui reprennent, depuis la destruction de Guémou, leur ancienne importance avec une rapidité qui tient surtout au caractère essentiellement agricole des populations. Au-dessus des cataractes du Félou, le fleuve, qu’aucun Européen n’a exploré avec soin, ne semble plus être qu’une série de bassins étages que de hautes murailles de roches séparent les uns des autres.

Navigable à toutes les époques de l’année jusqu’au passage de Mafou, le fleuve, on le voit, ne l’est jusqu’à Bakel et à Médine que pendant cette rapide saison de l’hivernage. Aussi est-ce celle où les traitans de Saint-Louis déploient la plus grande activité, celle dont profitent les navires à vapeur de la station locale pour ravitailler tous nos établissemens militaires au-dessus de Podor, la seule enfin pendant laquelle les opérations de guerre soient possibles contre les populations du haut pays. Cette nécessité fatale d’une activité excessive dans de telles conditions atmosphériques explique en grande partie la réputation d’insalubrité si justement acquise d’ailleurs au Sénégal parmi toutes nos autres colonies. Le développement de nos relations avec les rivières du sud, telles que la