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horizons uniformes ; mais les berges du fleuve, mieux accusées, commencent à se tailler en talus et s’élèvent de plusieurs mètres au-dessus du niveau habituel des eaux. Les villages, que les garnisons des deux postes et l’énergie du chef Samba-Dienn, un de nos plus fidèles alliés, ont défendus contre les Maures, se multiplient et s’agrandissent chaque jour. De vastes espaces, couverts de cultures soignées, alternent avec les prairies sauvages. De tous côtés s’élèvent de grands bouquets de tamariniers, de kai-cedras, et les troncs élancés des roniers, si utiles pour toutes les constructions sénégalaises. Les roniers sont des palmiers aux feuilles en éventail, qui s’élancent droits à plus de 20 mètres au-dessus du sol. Telle en est l’importance que l’administration de la colonie s’en est réservé la propriété, et que la possession de ces arbres dans le pays des Maures nous a été concédée par une clause spéciale des traités passés avec eux. Ces riches cultures, cet aspect pittoresque du pays se maintiennent jusqu’au-dessus du poste de Dagana, auquel la traite des gommes donne une importance commerciale toujours croissante depuis la paix. Gaë, Bokol, sont de riches et populeux villages ; mais en approchant de l’Ile-à-Morfil et des pays qu’habitent les Toucouleurs, les cultures disparaissent peu à peu. Les gonakés épineux, qui jusqu’alors ne se montraient qu’en groupes isolés, envahissent les deux rives et forment d’immenses forêts qui, un moment interrompues à Podor, se continuent jusqu’à Saldè.

Les courans alternatifs de la marée se font sentir jusqu’au passage de Mafou pendant la saison sèche. Les navires en subissent l’influence. La différence des haute et basse mer à Saint-Louis n’étant guère que de 1m30, on peut juger du peu de pente du fleuve sur un espace de plus de soixante lieues. Le delta sénégalais nous paraît donc commencer à Saldè, point où, pour former l’Ile-à-Morfil, le fleuve se divise en deux grandes branches également profondes. Quoi qu’il en soit, une légère modification se produit en ce point dans la constitution géologique du pays. Bien avant Matam, premier poste qu’on aperçoit en quittant celui de Saldè, de nombreux monticules surgissent à l’horizon ; bientôt ils se rapprochent, se réunissent et constituent de véritables chaînes de collines d’une hauteur moyenne de 50 mètres. La forme qu’elles affectent toutes est tabulaire. C’est une série de trapèzes aux côtés plus ou moins inclinés, d’un brun rougeâtre qui perce à travers la végétation luxuriante dont ces collines sont couvertes. Cette couleur générale, les quartiers de roche semés à leur base, indiquent la présence d’abondans minerais de fer qu’exploitent certaines tribus plus industrieuses. La rive droite est de beaucoup plus élevée que la rive gauche ; aussi sert-elle de refuge aux habitans quand une grande inondation les chasse de leurs villages, ce qui arrive rarement d’ailleurs. Ces villages, riches