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prême de tous ces pays. Il est donc évident que le foyer de la race oualo est le Djiolof, et que, par suite de l’isolement géographique de ce dernier pays, cette race est une race autochthone.

Telles ne sont point les populations du Fouta sénégalais. Du croisement des habitans primitifs, très probablement de race oualo, et des conquérans peuls ou fellatahs dont les tribus sans mélange constituent encore un des élémens les plus considérables de la population, a surgi une race qui se distingue de celles dont elle a tiré son origine moins encore par les caractères physiques que par les qualités morales et intellectuelles. Pleins d’énergie, mobiles dans leurs goûts, dans leurs projets et leur conduite, les Toucouleurs du Fouta ont pour passion dominante un sentiment de fierté individuelle, et surtout d’indépendance politique de tribu à tribu, qui ne fléchit que devant le fanatisme religieux. Divisées sur tous les autres points, hostiles l’une à l’autre, et sans respect pour le lien fédératif, qui semble les placer sous l’autorité politique et religieuse de l’almamy[1], ces populations aux noms, aux intérêts si divers, peuvent, sous la main d’un prophète leur parlant au nom du ciel, comme Al-Agui-Oumar, devenir par leur union momentanée le pouvoir prépondérant de cette partie de l’Afrique. Les traditions qui se rattachent aux noms de Danfodio et d’Abd-oul-Kader, aussi bien que l’histoire de ces derniers temps, montrent que ce fanatisme religieux peut causer les révolutions les plus subites et les plus fatales aux progrès de la civilisation européenne. Tandis que Gorée et ses dépendances, Rufisque, Joal et Kaolack, d’un côté, Saint-Louis et ses dépendances de l’autre, assurent notre influence sur le Baol, le Sin, le Salum et le Cayor, tandis que le Oualo, par le voisinage de Saint-Louis et celui des postes de Lampsar, Merinaghen, Richard-Toll, et surtout par les marigots ou bras du fleuve, qui le pénètrent de toutes parts, est à jamais dans nos mains, et doit être considéré comme une province française, le Fouta, où Podor, Saldè et Matam sont nos seuls établissemens, peut, quand ses passions religieuses ou politiques sont surexcitées, braver tous nos efforts et se dérober à une influence qu’il ne subit qu’avec indignation. Cette dernière appréciation ne saurait être mise en doute : les événemens de chaque jour la justifient aux yeux de ceux qui les suivent ; mais il est un fait significatif qui l’établit sans conteste, c’est l’abandon par les populations du Fouta du grand bras du Sénégal qui entoure l’Ile-à-Morfil. La plupart des villages de cette partie du fleuve ont été désertés dans ces derniers temps, et leurs habitans se sont transportés sur l’autre bras du fleuve, sur les bords du marigot de Doué, moins accessible à nos bateaux à vapeur. Déjà la vigoureuse, mais

  1. En arabe, el-moumenin (le commandeur des croyans).