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volonté et le choix des Mexicains fussent entièrement libres, comme le disait M. Calderon Collante dans sa dépêche. Oui, sans doute ; seulement il ne rencontrait nulle objection sur ce point, à ce qu’il semble. Lorsqu’il y a quelques mois M. Calderon Collantes avait à faire des communications diplomatiques aux cortès, il faisait interroger M. Thouvenel partie changé, d’affaires d’Espagne au sujet des pièces qui pourraient être publiées, et le chargé d’affaires répondait par une lettre que M. Mon a lue au congrès. « M. Thouvenel m’a déclaré, dit-il, qu’il n’a aucun secret à garder sur ce point, et que vous pouvez dire tout ce qui est arrivé, pourvu que ce qui sera dit soit exact. Selon lui, voici ce qui s’est passé : lorsqu’on commença à s’occuper de l’expédition, il dit à l’ambassadeur qu’il avait des raisons de croire qu’à l’arrivée des alliés un parti monarchique apparaîtrait au Mexique, et que le gouvernement français verrait avec plaisir son succès ; que, prévoyant cette éventualité, il avait examiné naturellement quels étaient les princes des familles régnantes qui pourraient occuper ce nouveau trône, qu’il avait dû reconnaître que si on pensait à un prince d’un des pays qui allaient faire l’expédition, ce serait une source d’inconvéniens et de rivalités, et que dès lors il était préférable d’écarter ceux qui étaient dans ce cas. Ces familles écartées, l’archiduc Maximilien se présentait au premier rang, comme le plus propre par ses qualités, par son âge, par son habitude du commandement. M. Thouvenel avait donc dit à l’ambassadeur de sa majesté que ce prince était le meilleur auquel on pût penser, qu’il n’avait dit rien de plus que cela, et qu’il était disposé à le ratifier, mais que si on ajoutait quelque chose d’autre, c’est-à-dire si on prétendait donner à entendre que la France avait voulu imposer au Mexique la monarchie ou le prince Maximilien comme souverain, il le nierait formellement, que cela ne s’était jamais dit ni alors ni depuis, que les représentai de la France au Mexique ne l’avaient pas dit et n’avaient pas consenti à ce que le général Almonte le dit… » La vérité sur les impressions du moment, sur la situation morale d’où est sorti le traité du 31 octobre, M. Mon l’exprime sans nul doute dans son discours, lorsqu’il cherche à définir le sens de tous ces mots d’intervention, de médiation, de pouvoir fort et stable, sans cesse échangés entre les cabinets. Ces mots répondaient à un sentiment qui agitait tout le monde : c’est que nul ordre et nulle sécurité n’étaient possibles avec Juarez, qu’il n’y avait qu’un pouvoir fort et durable qui pût offrir des garanties, et que ce pouvoir même, pour réunir des conditions suffisantes, devait être représenté par une personne habile, autorisée, appuyée moralement par l’Europe ; mais personne, ajoute M. Mon, ne parla jamais d’établir ce pouvoir par la force, et s’il y avait dans ce soin calculé de décliner l’emploi de la force quelque hypocrisie, comme le remarque spirituellement l’orateur, c’était du moins une hypocrisie à peu près commune à tous.

La vérité, telle qu’elle se dégage des derniers, débats du parlement de Madrid, c’est que dans tous ces incidens, projet de monarchie, candidature d’un archiduc, présence du général Almonte au Mexique, il n’y a eu rien d’inconnu ou d’imprévu pour le gouvernement espagnol, rien qui pût être invoqué sérieusement comme un motif de rupture en pleine action. D’où est donc venue la rupture ? Peut-être d’abord de l’envoi de nouvelles forces françaises qui allait changer la proportion des rôles, ensuite de la pensée