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elle avait sans doute ses raisons, puisque le général O’Donnell racontait récemment dans le sénat qu’un jour, impatienté par les violences mexicaines, il avait proposé dans le conseil d’envoyer six frégates avec trois mille hommes de débarquement, et que malheureusement on avait été arrêté par une petite circonstance : c’est qu’on ne pouvait disposer de six frégates. À quel moment se réveillait tout à coup l’Espagne ? « C’était le 7 septembre 1861, le lendemain du jour où le ministère avait reçu une dépêche télégraphique de son ambassadeur à Paris, M. Mon, qui lui disait que la France et l’Angleterre se préparaient à aller protéger leurs intérêts au Mexique sans paraître se préoccuper de l’Espagne. Le gouvernement de Madrid s’enflammait aussitôt et répondait par le télégraphe en proposant l’action commune et en ajoutant au surplus qu’il était lui-même résolu à ne plus attendre, si les deux puissances ne se décidaient pas. Il faisait mieux : il donnait immédiatement l’ordre au gouverneur de La Havane, au général Serrano ; d’organiser une expédition, en lui expédiant toutes les instructions nécessaires. Il se donnait ainsi le mérite d’une résolution toute spontanée et indépendante en pouvant compter sur l’avantage d’une coopération à peu près certaine de la France et de l’Angleterre. D’une main il se préparait à signer le traité du 31 octobre, et de l’autre il pressait les armemens de La Havane. Il n’oublia qu’une chose : ce fut de prévenir en temps opportun le général Serrano des négociations et de la signature du traité, si bien que l’expédition partie de Cuba devançait dans le golfe du Mexique les troupes alliées et entrait à la Vera-Cruz sans coup férir, mais non sans menace de recourir à la force, tant était grande alors l’impatience belliqueuse de l’Espagne ! tant était vif son désir d’engager l’action !

Laissez maintenant passer un peu de temps, trois mois à peine : je vais droit au fait sommaire ; les plénipotentiaires des trois puissances sont au Mexique. Dès leur arrivée, ils ne s’entendent plus sur rien, ils vont d’expédiens en expédiens pour couvrir l’incohérence de leur action. La rupture éclate enfin, et un jour le général Prim se rembarque précipitamment avec ses troupes sans regarder, derrière lui, sans laisser à son gouvernement la liberté d’une résolution supérieure » D’où vient ce changement ? Qui expliquera cette retraite aussi précipitée que l’avait été l’arrivée ? — C’est la faute des Français, dit délibérément le général Prim ; c’est la faute de la France, qui a élevé des réclamations injustes, qui a voulu substituer à tout prix la guerre aux négociations, qui a tout compromis en s’obstinant à parler d’une monarchie, de la candidature de l’archiduc Maximilien, en accordant sa protection au général Almonte, le fauteur de ces projets. Dès qu’on en était là, et c’est ici le comte de Reus qui parle, que restait-il à faire ? Suivre les Français, c’était abdiquer et manquer aux engagemens qu’on avait pris ; s’opposer à leur passage par la force, c’était décider au Mexique la guerre sur les Pyrénées ; rester spectateur des événemens, c’était courir la chance du ridicule, sans compter les complications qui pouvaient naître : il ne restait donc qu’à se rembarquer pour n’être pas exposé, soit à aller au secours des Français s’ils étaient battus, soit à se mettre à leur suite s’ils étaient victorieux : c’est ce que j’ai fait. — Et le cabinet de Madrid, venant au secours du général Prim, ajoute, sinon en propres termes, du moins dans un langage plein de circonlocutions et qui se contredit souvent :