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ni louer la convention. M. de La Fayette, qui n’était pourtant pas un réactionnaire, ne parlait des jacobins et même des girondins qu’avec une indicible horreur. Benjamin Constant, s’étant hasardé un jour à la tribune, pour mieux flétrir la chambre introuvable, dissoute depuis trois ans, à l’appeler une convention nouvelle, dut s’excuser de cette exagération et en reconnaître l’injustice. Les libéraux de toute nuance, les amis de la révolution et des principes de 1789, s’épuisaient en efforts pour démontrer que cette révolution et ces principes n’avaient rien de commun avec ceux de 1793, qui en étaient la négation absolue et dont ils ne parlaient qu’avec horreur, et la tactique des partisans de l’ancien régime était au contraire de soutenir que 1789 avait naturellement enfanté 1793, que La Fayette et Barnave étaient les précurseurs de Robespierre et de Danton. Plus tard, certains amis de la liberté, fatigués, irrités par cette lutte qui les plaçait sur le terrain de la défensive, ont cru pouvoir prendre une attitude plus hardie et dans une certaine mesure défendre la révolution tout entière. Sans justifier des crimes inexcusables, tout en les jugeant même avec sévérité, ils ont essayé de prouver que le régime sous lequel ils s’étaient accomplis, que plusieurs des hommes qui s’en étaient rendus coupables, que la convention elle-même, avaient pu mériter à d’autres égards l’estime et la reconnaissance publiques. La tentative était hardie ; ce qu’elle avait de paradoxal devait, avec la nature de l’esprit français, lui ménager un certain succès. Les circonstances aidant, la foule des imitateurs se précipita, après la révolution de 1830, dans la voie qu’on venait de lui ouvrir, et chacun s’efforçant de surpasser ses devanciers, on laissa bien loin en arrière ceux qui y étaient entrés les premiers. Là où ils avaient cherché des atténuations, des excuses, des explications, on mit l’admiration et l’enthousiasme. Qui ne se rappelle les monstrueuses théories proclamées dans ce temps de liberté orageuse où les révolutionnaires, vigoureusement contenus dans le champ de l’action par Casimir Perier et ses successeurs, essayaient de s’en dédommager par les excès inouïs du langage ? Saint-Just et Robespierre étaient les héros hautement déclarés de ces pamphlétaires ignorans et effrénés. Danton, à les en croire, avait été justement puni, non pour ses crimes réels, mais pour avoir tenté, quoique bien tardivement, d’arrêter l’effusion du sang. Les massacres de septembre eux-mêmes étaient justifiés comme une mesure de salut public. Grâce à Dieu, cette démence est un peu passée de mode, elle a perdu l’attrait de la nouveauté, et d’ailleurs ce n’est pas dans le sens des excès révolutionnaires qu’inclinent aujourd’hui les esprits. Cependant il en reste encore des vestiges, et même dans des journaux très accrédités la convention a des admirateurs, le régicide a des défenseurs. On trouve encore chez quelques amis de la liberté une certaine disposition à croire que ce