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eue le comité sur cette affaire… Le comité ne connaît que la république, il ne vise qu’à l’intérêt général, et cet intérêt consiste à abattre l’aristocratie, à la poursuivre dans toutes ses sinuosités, à défendre les patriotes, et à seconder les opérations de la représentation nationales, les dégageant de ce qu’elles peuvent avoir ou d’âpre, ou d’exagéré dans les formes, ou d’erroné dans les moyens… Le résultat ou les motifs de conduite, voilà ce que nous cherchons. Les motifs sont-ils purs ? Le résultat profite-t-il à la révolution, profite-t-il à la liberté ? Les plaintes ne sont-elles… que le cri vindicatif de l’aristocratie ? C’est ce que le comité a vu dans cette affaire. Des formes un peu acerbes ont été érigées en accusation ; mais ces formes ont détruit les progrès de l’aristocratie. Une sévérité outrée a été reprochée au représentant, mais il n’a démasqué que de faux patriotes… Eh ! que n’est-il pas permis à la haine d’un républicain contre l’aristocratie ! Et combien de sentimens généreux un patriote ne trouve-t-il pas à couvrir ce qu’il peut y avoir d’acrimonieux dans la poursuite des ennemis du peuple ! Il ne faut parler de la révolution qu’avec respect, et des mesures révolutionnaires qu’avec égards ; la liberté est une vierge dont il est coupable de soulever le voile… Joseph Le Bon, quoique avec quelques formes que le comité a improuvées, a complètement battu les aristocrates ; il a comprimé les malveillans et fait punir… les contre-révolutionnaires et les traîtres ; les mesures qu’il a puises ont sauvé Cambrai couvert de trahisons ; ce service nous a paru décisif pour ne pas donner un triomphe à l’aristocratie… C’est moins Joseph Le Bon que nous défendons que l’aristocratie que nous poursuivons… »


L’ordre du jour fut voté sans débats, comme l’était depuis longtemps tout ce que proposait le comité de salut public. Je ne sache rien de plus accablant que ce rapport pour la mémoire de Le Bon. Évidemment le comité lui-même, ce comité qui inondait la France de sang, qui avait proclamé la terreur comme le seul moyen de sauver le pays, trouvait qu’il était allé trop loin, et, en le défendant, ne faisait qu’obéir à cet instinct qui inspire à tous les pouvoirs la crainte de s’affaiblir en désavouant les excès de zèle de leurs agens.

Une mesure que le comité prit dès le lendemain ne laisse aucun doute quant au jugement qu’il portait sur les actes de Le Bon. Par un arrêté du 22 messidor, il mit fin à sa mission, et supprima le tribunal révolutionnaire d’Arras, qu’à sa demande on avait maintenu jusqu’alors, bien que tous les autres tribunaux analogues des départemens eussent été supprimés. Ce même arrêté prescrivait à Joseph Le Bon de rassembler les papiers, lettres et renseignemens qu’il avait recueillis concernant les conjurations contre la république et les intelligences des ennemis du peuple avec l’étranger, et de mettre ces documens sous les yeux du comité avec le tableau des opérations qu’il avait faites, comme aussi de proposer les mesures