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II

Jusqu’à ce moment, la position de Le Bon, soit dans le pays qu’il opprimait, soit dans la convention, était loin, on le voit, de paraître menacée. le comité de salut public le poussait, l’excitait plutôt qu’il ne cherchait à l’arrêter dans ses violences. Cependant, après son départ de Paris, Guffroy avait réussi à obtenir de ce comité la mise en liberté des magistrats d’Arras arrêtés par les ordres de Le Bon. Celui-ci, informé de cet acte d’indulgence, se hâta d’en demander la révocation. Comme il promettait d’envoyer bientôt de nouvelles pièces à charge contre ces trois hommes, on accéda à sa demande, et ils furent de nouveau incarcérés. Bientôt après Barère, annonçant à la convention la victoire de Fleurus, qui dégageait notre frontière du nord et ouvrait la Belgique à l’invasion française, attribuait à Le Bon une grande part dans ce brillant succès. Le Bon paraissait donc au comble de la faveur. Cependant une nouvelle attaque se préparait contre lui. De nombreuses pétitions arrivaient des départemens du Nord et du Pas-de-Calais pour dénoncer sa tyrannie à la convention. Le 6 messidor (23 juin), Guffroy, dans le sein même de cette assemblée, reproduisit de vive voix, avec de nouveaux développemens, les accusations énoncées dans son pamphlet. La convention les renvoya à l’examen du comité de salut public. Le Bon accourut de nouveau pour se défendre à la tribune ; mais le comité, qui redoutait une pareille lutte dans un moment où des germes de dissension commençaient à se manifester dans le parti dominant, le renvoya aussitôt à Cambrai en lui promettant de se charger de répondre à Guffroy. Avant de repartir, il voulut voir Robespierre, mais celui-ci lui ferma sa porte.

Le 21 messidor, c’est-à-dire le 9 juillet, Barère, au nom du comité, lut à la convention un rapport qui concluait à l’ordre du jour sur les accusations dont Le Bon était l’objet, mais qui prouvait pourtant que, même aux yeux de cet atroce gouvernement, ces accusations n’étaient pas, à beaucoup près, dépourvues de fondement. Ce rapport est resté fameux, et il est bon d’en rappeler quelques passages :


« Ce n’est qu’avec regret, disait Barère, que le comité vient vous entretenir de pétitions suggérées par l’astucieuse aristocratie contre un représentant qui lui a fait une guerre terrible à Arras et à Cambrai. C’est de Joseph Le Bon que le comité m’a chargé de vous parler, non pour l’improuver ou l’inculper (l’homme qui terrasse les ennemis du peuple, fût-ce avec quelque excès de zèle ou de patriotisme, ne peut être inculpé devant vous), mais pour vous rendre compte seulement de l’opinion politique qu’a