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qui ordonnent l’assassinat, la spoliation, la violation flagrante des droits les plus sacrés.

Il n’est pas vrai d’ailleurs que tous les actes de Joseph Le Bon trouvassent une justification telle quelle dans la législation du temps. Son fils l’a si bien compris, il s’est si bien rendu compte de l’insuffisance de ce moyen général de défense, qu’il s’efforce de trouver des excuses, des atténuations pour ceux de ces actes qui ont plus particulièrement attiré l’animadversion publique ; mais ces excuses sont bien étranges. Pour prouver que les tribunaux institués par Joseph Le Bon n’étaient pas des tribunaux de sang, et que l’innocence y trouvait des garanties, son apologiste donne un état des jugemens rendus par le tribunal de Cambrai dans un intervalle de six semaines. Il en résulte que, sur deux cent neuf accusés, cent cinquante seulement ont été condamnés (à mort sans doute, car alors il n’y avait guère d’autre peine), que cinquante-huit ont été acquittés et un autre ajourné pour donner le temps d’entendre des témoins indiqués par lui. Il y a donc eu à peu près un acquitté sur quatre accusés. « Voilà, s’écrie naïvement M. Emile Le Bon, ce tribunal sanguinaire dont les membres ne montaient sur leur siège que pour prononcer des arrêts de mort ! Voilà l’influence, la pression homicide exercée par Joseph Le Bon sur les juges et sur les jurés ! »

Le général Foy, alors simple officier, âgé seulement de dix-neuf ans, mais animé déjà de cette généreuse et courageuse franchise qui fut plus tard un des traits distinctifs de sa brillante carrière, avait été arrêté à l’armée du Nord et envoyé à Cambrai. Interrogé par Joseph Le Bon, celui-ci, au lieu de le traduire au tribunal révolutionnaire, se borna à le retenir en prison jusqu’à plus ample informé. L’apologiste y voit un exemple du soin consciencieux avec lequel il s’attachait à discerner les véritables ennemis de la révolution de ceux qui n’étaient que momentanément dissidens.

En créant le tribunal révolutionnaire d’Arras, qui a versé bien plus de sang que celui de Cambrai, Le Bon avait placé parmi les juges et les jurés quatre de ses parens, et on le lui a reproché comme une combinaison destinée à lui assurer les moyens de dicter les arrêts. M. Emile Le Bon répond qu’en présence des Autrichiens, sur une frontière envahie, la liste des jurés devait être une liste de proscription en cas de revers, qu’il n’était pas facile de réunir pour la composer des hommes à la fois patriotes, probes et éclairés, et que c’est pour cela que le représentant du peuple les avait pris dans sa famille, dont tous les membres partageaient son dévouement à la république. Il trouve également naturel que Joseph Le Bon eût la prétention de diriger l’accusateur public dans ses poursuites, de