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Enfin, au mois de décembre, le gouvernement révolutionnaire ayant reçu son organisation définitive par le décret du 14 frimaire, et le comité ayant distribué cinquante-huit représentans du peuple dans les départemens pour y établir ce gouvernement et exécuter les mesures de salut public, le département du Nord fut assigné à Le Bon avec celui du Pas-de-Calais.

Le 13 février 1794, il instituait à Arras un tribunal révolutionnaire qui devait laisser de terribles souvenirs. Il paraît pourtant qu’à ce moment, à quelque degré que se fût déjà élevée son exaltation, elle ne satisfaisait pas encore les dictateurs de Paris. Il fut rappelé par le comité de salut public. Il ne tarda point, il est vrai, à être renvoyé à son poste avec l’ordre de seconder par des mesures vigoureuses contre les ennemis intérieurs les dispositions militaires que deux autres conventionnels, Saint-Just et Lebas, allaient diriger contre l’ennemi du dehors. Il voulut encore refuser, demandant qu’on lui donnât un successeur dans un poste pénible où il croyait avoir assez prouvé son dévouement ; mais le comité ne l’écouta pas. On lui dit qu’on avait besoin de son concours, et pour calmer les inquiétudes qu’il pouvait avoir conçues, on ajouta qu’on n’était pas mécontent de ses travaux, que seulement on l’engageait à se tenir en garde contre les suggestions d’une humanité fausse et mal entendue.

Le Bon céda encore, et c’est à partir de ce moment fatal que les furies semblent, si l’on peut ainsi parler, s’être emparées de lui. La terreur était alors à son apogée. La mort de Danton et de ses amis, frappés comme traîtres pour avoir laissé entrevoir bien timidement le désir d’arrêter les supplices, avait mis fin à toute opposition dans le sein de la convention épouvantée. Le comité de salut public régnait sans partage et versait le sang par torrens. Le Bon se montra un de ses agens les plus dévoués et les plus impitoyables. On dit, et cela n’a rien d’invraisemblable, que dans le département du Nord, envahi par l’ennemi, un parti nombreux secondait de ses vœux et même de ses efforts plus ou moins dissimulés une invasion dont le succès, si déplorable à d’autres égards, aurait détruit le régime effroyable qui pesait sur la France. À Cambrai particulièrement, tout semblait déjà perdu pour la cause républicaine ; on avait cessé d’y porter la cocarde tricolore, les autorités avaient quitté leur poste, les contre-révolutionnaires ne dissimulaient pas leur joie, et Le Bon, en se transportant dans cette ville par ordre du comité, en y créant comme à Arras un tribunal révolutionnaire et en excitant par de fréquentes harangues l’enthousiasme populaire, rétablit la confiance, comprima les royalistes, les amis de l’étranger, enfin contribua puissamment à sauver la frontière menacée. C’est sous cet aspect que les apologistes de cette terrible époque ne manquent