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présent rêver un état de choses où personne en Angleterre ne se trouverait en dehors des cadres de l’éducation. Si l’on s’en rapporte à des estimations qu’il est inutile de détailler ici, il suffirait de doubler la somme actuellement allouée au conseil privé, pourvu que le zèle volontaire et paroissial suivît la même proportion, avec un budget de 1,200,000 livres sterling, l’instruction publique pourvoirait au service le plus étendu de concert avec ses deux auxiliaires. Dans ces combinaisons, une place serait toujours réservée à la rétribution scolaire due par les familles, de manière qu’il restât constant pour les plus pauvres qu’on ne les assiste qu’à la condition qu’elles s’assisteront elles-mêmes. Rien ne sert, fût-ce avec les intentions les plus droites, de dénaturer les choses. L’éducation est un avantage et doit être payée par qui en profite, telle est la règle ; si on y déroge, elle n’en doit pas moins rester présente aux consciences.

Comment se distribuent ces 900,000 enfans réfractaires qui, pour un motif ou l’autre, ne participent pas aux bienfaits de l’éducation ? On n’a pu répondre à cette question que par des conjectures. On sait seulement que les campagnes en renferment un plus grand nombre que les villes. Les distances, la nature des travaux qui ne souffrent pas de discontinuité, le peu de goût, si ce n’est la répugnance des fermiers et des journaliers pour tout ce qui ressemble à un apprentissage intellectuel, entrent pour beaucoup dans ce retard des classes agricoles. L’absence des propriétaires du sol, leur indifférence sur le degré d’instruction de leurs tenanciers complètent la somme de ces influences énervantes. Ces influences s’étendent inégalement sur la contrée, suivant qu’elles rencontrent des hommes disposés à les combattre ou à s’y résigner ; elles règnent sans obstacle dans les parties du royaume où les populations sont clairsemées et les maisons d’école hors de la portée des familles de colons. Quant aux villes, le délaissement et la négligence qui y persistent en matière d’éducation proviennent de tout autres causes. Deux élémens s’y trouvent en présence : une classe moyenne intelligente et en général portée au bien, des classes inférieures où un fonds héréditaire de dépravation s’entretient par les occasions de chute et les mauvais exemples. Le point à obtenir, c’est que la première de ces classes fonde ou soutienne assez d’écoles pour défrayer tous les besoins, et que la seconde consente à y mettre ses enfans. L’une et l’autre résistent ; la classe moyenne n’est pas riche partout ni toujours libérale, les classes occupées de travaux manuels ou dégradées par des habitudes vicieuses semblent en bien des cas et en plus d’un lieu se complaire dans leur ignorance. Longtemps encore un certain nombre d’enfans resteront au dépourvu de ce pain de l’intelligence, qui leur est aussi nécessaire que celui du corps ; le chiffre de 900,000 pourra décroître, il laissera néanmoins un fort