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Un autre inconvénient de ce système, c’est de tout élever à de grandes proportions, le bien comme le mal et le mal plus que le bien. Une erreur se multiplie par la quantité d’établissemens subordonnés auxquels on l’impose. Aussi s’en tient-on à ce qui est éprouvé en usant le moins possible de hardiesse ; pour échapper à un risque, on se prive de plus d’un perfectionnement, et encore, quelque retenue qu’on y mette, essuie-t-on de loin en loin quelques mécomptes ; déjà l’on cite ceux qui ont marqué les premières entreprises du conseil privé, notamment à propos de la création d’écoles normales primaires. Évidemment c’était là une des bases de l’enseignement officiel ; comment former de bons élèves, si l’on n’avait pas une pépinière de bons instituteurs ? Le comité s’en occupa donc dès ses premières séances. Malgré quelques résistances, il venait de décider qu’une école normale primaire serait établie à Londres, quand un orage éclata dans le sein du clergé, et si violent qu’une députation d’évêques se rendit chez la reine avec une adresse hostile. On y disait que le projet d’école était une injure pour les instituteurs en exercice, et surtout pour les ministres de l’Évangile qui se dévouaient à l’enseignement et n’avaient pas besoin de certificats d’études officiellement délivrés. Bref, il se fit un tel bruit que le comité retira son plan et chercha à tourner les défenses qu’il ne pouvait enlever de front. Un établissement libre fut créé et placé sous l’influence de l’église établie ; dès lors, et à l’aide de ce biais, il devint loisible au conseil privé de favoriser par une subvention ce qu’il n’avait pu obtenir d’un enfantement direct. De simples particuliers ou du moins des hommes agissant comme tels, entre autres MM. J.-K. Shuttleworth et Tufnell, se mirent à la tête de cette école normale, sur laquelle roule aujourd’hui tout le travail d’épreuves et de préparation des instituteurs primaires, des écoliers de la reine, des maîtres et maîtresses brevetés.

Rien de plus défectueux que le plan des études et la matière des examens en vigueur. Voici, par exemple, ce qui se passe pour les jeunes filles qui aspirent au brevet de maîtresse. — C’est à l’âge de treize à quatorze ans qu’elles se présentent le plus habituellement ; presque toutes sont d’une humble condition. L’apprentissage dure cinq années, au bout desquelles on leur délivre, s’il y a lieu, un brevet de capacité. À la fin de chaque année, un inspecteur procède à un examen ; si cet examen est heureux et si la jeune fille franchit l’épreuve avec succès, elle reçoit comme indemnité ou encouragement de 10 à 20 livres (250 à 500 francs), c’est-à-dire une somme comme jamais elle n’en a vu, et qui représente dans certains cas les salaires du chef de sa famille pendant l’année entière. Pour que rien ne la détourne de ses études, elle est dispensée de tout service domestique. Dans la maison paternelle, quand elle