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si l’envahissement officiel continue et s’étend ? Le doute est au moins permis, et dans tous les cas il y a une distinction à faire.

Entre les taxes locales et les subventions administratives, les incompatibilités ne sont pas profondes, et l’accord peut s’établir. La commune et l’état, ayant à créer ou à soutenir une école, ne procèdent pas d’une manière tellement disparate que la porte soit fermée à une combinaison prise de concert. Il ne s’agit que de s’entendre sur la quotité de dépenses que chacune des parties prend à sa charge et le détail des droits et des pouvoirs qu’elle se réserve en retour. Ce contrat une fois passé et exécuté sincèrement, les conséquences en découlent le plus régulièrement du monde ; l’état paie avec ses deniers, la commune avec les siens, en vertu de lois ou de coutumes ayant force de loi et après une perception accompagnée des formes ordinaires. C’est exactement ce qui se passe dans notre comptabilité, qui est à la fois générale et départementale, et dans laquelle, au principal de l’impôt s’ajoutent des centimes additionnels pour des objets détermines. Les caisses de l’état et des paroisses peuvent donc à la rigueur se partager les services, L’incompatibilité n’existe pas non plus entre les taxes paroissiales et les libéralités particulières. Volontiers elles se complètent les unes les autres ; c’est une répartition de famille où les plus riches et les plus généreux se portent, par un libre mouvement, au secours du fonds commun. Mais où commence une sérieuse incompatibilité, c’est entre les libéralités particulières et l’administration directe de l’état. Partout où la main de l’état se montre, la main privée se retire ; dès qu’il a mis sa responsabilité en avant, les autres responsabilités se croient dégagées ; devant ses agens accrédités, les agens qui ne s’inspiraient que de leur cœur s’effacent et s’abstiennent. Ainsi, en supposant que la direction de l’enseignement, de paroissiale qu’elle était, devînt en Angleterre de plus en plus centrale et qu’on en fît quelque chose d’analogue à notre université, qui réunit dans ses mains les rênes de trente-six mille écoles, le résultat ne serait ni équivoque ni lent à se produire. Peut-être conserverait-on après débat une partie des taxes que les localités affectent à cet emploi ; mais ce qui serait à coup sûr perdu et disparaîtrait sans retour, ce serait la totalité des souscriptions volontaires qui se comptent par milliers et forment aujourd’hui la plus forte ressource de l’enseignement élémentaire. La générosité privée est une vertu jalouse et pleine de susceptibilités ; elle n’aime pas à trouver le gouvernement dans ses voies. Si les choses n’en sont point encore là, et si les tableaux du conseil privé offrent des chiffres rassurans, c’est que le système d’absorption est plutôt une menace qu’un fait, et que, dans cette période d’essai, il se déguise sous des formes qui n’ont rien d’impérieux ni d’offensif.