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ne vivent que par son dévouement : il en est le surveillant gratuit, le moniteur, souvent le trésorier. Volontiers on attribue aux lords la meilleure part des soulagemens qui proviennent de la charité et de la générosité privées ; ce sentiment s’atténue quand on vérifie les faits. Que dans une calamité publique et une réunion d’apparat les lords donnent l’exemple et le fassent avec libéralité, c’est un devoir de tradition et de race, une manière habile d’agir sur les esprits et une sorte de rançon de leurs privilèges. Ils sont en vue, on attend d’eux un sacrifice ; ils s’exécutent de bonne grâce et avec grandeur. L’homme s’efface alors devant le personnage ; il reparaît dans les quêtes obscures, destinées à faire plus de bien que de bruit et affectées à des besoins spéciaux et déterminés. Dans ce cas, ni la fortune, ni le rang, ni les devoirs attachés à la possession de la terre ne seront une garantie pour le succès de la demande ; tout dépendra de l’humeur, du caprice, du caractère. S’agit-il des écoles, l’esprit de système s’en mêle. Quelques lords les regardent comme propres à troubler et à corrompre les campagnes ; ils luttent par l’inertie contre ce péril présumé. J’ai sous les yeux la déposition d’un ministre de l’Évangile d’autant plus digne de foi qu’il parle de ce qu’il a vu et entendu dans son ressort. Il ne cite pas de noms, mais désigne les titres avec une précision qui semble défier les démentis. Après avoir dépeint l’état des populations dans les comtés de Devon, Dorset, Somerset, Hereford et de Worcester, il raconte les efforts de ses desservans pour y augmenter le nombre des écoles, les démarches faites auprès de la grande noblesse et les mécomptes qui s’en sont suivis. Rien de plus significatif que cette nomenclature. Ici c’est un duc possédant toute une paroisse d’un revenu de 2,500 livres sterling et se refusant à donner le moindre denier ; là c’est un général, membre du parlement, tirant 1,200 livres de rente d’une paroisse, dont la moitié en grandes dîmes, et répondant qu’il ne peut prendre d’engagement pour une souscription régulière ; plus loin un riche seigneur, connu par ses opinions libérales, qui donne 3 guinées sur 2,000 de revenu, et gâte en outre le don par une raillerie ; puis un propriétaire, avec 1,800 livres de rente, qui d’une main souscrit pour 3 livres sterling et réclame de l’autre 3 livres et 10 shillings pour les loyers de la maison d’école ; enfin, dans une paroisse du comté de Hereford, d’un revenu de 12,000 livres pour 8,000 acres d’excellente terre, tous les propriétaires du sol, dont deux pairs du royaume, ne sont arrivés en se cotisant qu’à une contribution totale de 18 livres, tandis ; que la maison d’école coûte 100 livres de location. Tels sont les cas relevés par un témoin sincère, et il ajoute qu’il pourrait en citer une foule d’autres. La grande noblesse se montre donc, en ce qui touche les