Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/388

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étendre ou restreindre les attributions du conseil privé dans le domaine de l’enseignement ? Y avait-il lieu de s’arrêter aux objections qui s’étaient élevées contre l’exercice de son autorité dans les limites fixées par la loi et les usages ? Enfin quelles étaient, en tout état de cause, les réformes que l’enseignement élémentaire, surtout dans les classes pauvres, réclamait avec le plus d’urgence ? Je prendrai ces questions une à une et dans leur ordre.

Le conseil privé, qui est ici mis en cause, ne s’est pas emparé sans résistance de la portion d’influence qui lui est désormais dévolue. Il est de doctrine générale que les services qui ont un caractère individuel et local doivent à la fois se suffire à eux-mêmes et disposer d’eux-mêmes. L’ingérence du conseil privé comme tuteur et caissier des écoles, puisant dans le fonds commun pour des intérêts particuliers, était une dérogation à ce principe ; à ce titre, elle a été vivement combattue. Il n’a pas manqué de logiciens pour rappeler qu’en fait d’éducation le devoir et la charge incombent d’abord à la famille ; que c’est à la famille de sentir ce que vaut l’instruction, et par suite d’y mettre le prix, que toute autre manière d’envisager les choses déplace l’obligation et l’effort, affaiblit les liens naturels et blesse la dignité des classes. Les mêmes logiciens ajoutaient que si la nécessité de violer le principe était démontrée, c’était à la localité, à la localité seule, d’intervenir, soit par des taxes spéciales, soit par des contributions volontaires, mais qu’en aucun cas il n’était juste ni sensé d’en charger l’état, de convertir une dette privée en dette publique, d’ouvrir la porte aux faveurs, aux abus d’influence qui accompagnent toute distribution de secours. Voilà le langage des adversaires du conseil privé, constitué en université au petit pied, et ce langage répond, à ce qu’il y a de plus sensible dans le vieil esprit anglais. Les concentrations de pouvoir auxquelles nous nous prêtons avec tant de bonne grâce et de candeur répugnent à nos voisins ; ils y résistent de leur mieux. Ainsi ont-ils fait quand il s’est agi de fondre en un seul corps les polices bigarrées qu’entretenaient les diverses paroisses dont se compose la ville de Londres ; ainsi également quand il a fallu créer une législation sur les établissemens insalubres, définir les nuisances et régler les formes de l’autorisation, partout enfin où, bon gré, mal gré, des tempéramens ont été introduits dans l’exercice de droits privés pu municipaux.

C’est de cette façons et par une brèche faite aux coutumes, que l’autorité du conseil privé s’est établie et maintenue. Encore n’est-ce là qu’une autorité mitigée et précaire qui donne plus d’avis que d’ordres et agit moins par les entraves qu’elle met que par les largesses dont elle dispose. Un fonds de 573,000 livres sterling (14 millions 1/2 de francs) que le conseil privé répartit entre les écoles