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du tiers-état, y compris le fameux serment du jeu de paume. Après le 14 juillet, son influence commença à décliner. Membre et rapporteur du comité de constitution, il essaya de faire adopter une constitution monarchique avec deux chambres, sur le modèle du gouvernement anglais ; mais la logique révolutionnaire ne voulut admettre aucun tempérament au principe absolu de la souveraineté nationale[1]. Président de l’assemblée pendant les tristes journées des 5 et 6 octobre, il vit avec douleur les désordres qu’il ne put empêcher, et partit désespéré pour le Dauphiné, d’où il envoya sa démission. Il chercha dans la commission intermédiaire des états un point d’appui pour organiser une résistance des provinces contre les clubs de Paris ; mais, traité de monarchien et d’aristocrate, insulté, menacé dans son propre pays, après en avoir été l’idole un an auparavant, il se réfugia en Suisse, où il publia un mémoire justificatif sous ce titre : Recherches sur les causes qui ont empêché les Français de devenir libres. L’empire le fit préfet, conseiller d’état et baron.

Quant au bon archevêque de Vienne, il fut aux états-généraux ce qu’il avait été en Dauphiné ; il se mit à la tête des 149 membres du clergé qui se réunirent le 22 juin au tiers-état, et, nommé plusieurs fois président de l’assemblée, il crut toujours calmer les esprits par des concessions ; il mourut au mois de décembre 1789, à l’âge de soixante-quinze ans. Parmi les 48 membres de la noblesse qui se réunirent le 25 juin au tiers-état, figuraient les huit députés de la noblesse du Dauphiné, fidèles au mandat qu’ils avaient reçu de leur province. Le comte de Morges, qui avait été si actif à l’assemblée de Vizille, comprit sans doute de bonne heure la portée des événemens et rentra dans l’obscurité. Le comte de Virieu, un des procureurs-syndics de la première assemblée provinciale, vota d’abord aux états-généraux avec le parti des réformes, mais ne tarda pas à s’en séparer ; en 1793, il prit part à la défense de Lyon contre les armées républicaines et fut tué dans une sortie les armes à la main. Le duc de Clermont-Tonnerre, commandant de la province, et M. de Bérulle, premier président du parlement, moururent tous deux sur l’échafaud. Le comte de Clermont-Tonnerre, fils du duc et député de la noblesse de Paris aux états-généraux, y fut l’ami le plus intime et le principal collaborateur de Mounier ; il périt assassiné le 10 août.

Ici, finissent les vingt-six généralités des pays d’élection ; il faudrait maintenant, pour achever le tableau de la France avant 1789, raconter ce qui se passa dans les six généralités des pays d’états. Il

  1. J’ai essayé, il y a déjà bien des années, de rappeler dans la Revue le rôle de Mounier et de ses amis à l’assemblée nationale. Voyez l’article intitulé les Monarchiens de la constituante dans la livraison du 15 juin 1842.