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par force. Au milieu même du règne de Louis XV, un audacieux contrebandier, maudit par les uns comme un brigand, vénéré par les autres comme un héros, Mandrin, y avait soutenu une guerre en règle contre les troupes royales, et il n’y avait guère plus de trente ans que cet audacieux partisan avait expiré sur la roue.

Pour calmer autant que possible ces colères, Necker avait voulu, en 1779, établir en Dauphiné la seconde de ses assemblées provinciales. Le parlement de Grenoble s’était montré favorable à cette création, qui rendait à la province ses franchises perdues ; mais les descendant des anciens barons des états réclamèrent le privilège exclusif de former l’ordre de la noblesse : d’autres discussions s’élevèrent sur le choix du lieu où devrait se réunir l’assemblée, toutes les villes où s’étaient tenus autrefois les états ayant fait valoir à la fois leurs titres. Ces difficultés n’étaient pas encore réglées quand Necker sortit du ministère, et l’assemblée provinciale du Dauphiné fut abandonnée. Huit ans après, à propos de l’édit de 1787, le gouvernement eut à examiner si le Dauphiné serait réintégré dans son ancien droit de s’assembler en états, ou si l’on y établirait purement et simplement une assemblée provinciale sur le modèle des autres. Ce fut ce dernier avis qui l’emporta.

L’édit qui instituait l’assemblée provinciale du Dauphiné est du mois de juillet 1787. Le roi y prenait les titres de dauphin de Viennois, comte de Valentinois et de Diois, et y exprimait, comme en Franche-Comté, une réserve expresse en faveur des anciens états. « Sans déroger, disait-il, à l’édit de 1628, par lequel Louis XIII, après avoir établi des sièges d’élections dans le Dauphiné, se réserva de permettre l’assemblée des états dans ladite province, lorsqu’il se présenterait des circonstances qui l’exigeraient, nous voulons dès à présent faire participer la généralité de Grenoble à l’avantage de l’institution des assemblées provinciales. » Le règlement annexé à l’édit portait que l’assemblée du Dauphiné se composerait de 56 membres. La proportion ordinaire entre les ordres était changée : le clergé ne devait compter que 10 membres, la noblesse 18, et le tiers-état 28. Le roi avait choisi pour président l’archevêque de Vienne, Lefranc de Pompignan, frère de l’auteur des Odes sacrées, prélat vertueux et libéral, mais d’une bonté qui allait jusqu’à la faiblesse.

Le parlement de Grenoble ne fit d’abord aucune difficulté pour enregistrer l’édit. L’arrêt d’enregistrement fut rendu le 11 août 1787 ; mais il contenait plusieurs réserves importantes. La cour commençait par stipuler que les assemblées créées par l’édit ne pourraient se composer que de sujets payant des impositions foncières en Dauphiné, et qu’elles ne pourraient répartir ou ordonner