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crédit dans un moment critique, exprima les plus vifs regrets de sa perte ; il fut remplacé dans son archevêché par M. de Marbeuf, évêque d’Autun, remplacé lui-même par M. de Talleyrand, et il eut pour successeur à l’Académie française le chevalier de Boufflers. Lors de la réception du nouvel élu, l’Académie française entendit de nobles paroles sur son prédécesseur. Après un élégant portrait de M. de Montazet comme homme d’église, comme homme du monde et comme écrivain, M. de Boufflers ajoutait : « C’est lui, quand la Providence semblait oublier son diocèse, qui en remplissait les fonctions ; c’est lui qui veillait aux besoins renaissans d’un pays où les habitans des campagnes attendent leur subsistance de la prospérité de la capitale », tandis que le sort de cette capitale elle-même dépend du goût et des caprices du luxe de tout l’univers. On ne sait que trop sur quelle base fragile repose l’opulence de cette cité superbe, et la fortune, qui a tout fait pour elle, est toujours prête à détruire son ouvrage. Plus d’une fois, sans sa main protectrice, cette précieuse colonne de notre commerce était prête à s’écrouler. Dans ces momens de crise, prompt à se montrer au milieu de son peuple affligé, ses discours promettaient des temps plus heureux, ses bienfaits permettaient de les attendre, et c’est ainsi que la vertu d’un homme balançait une calamité publique. »

À son tour, Saint-Lambert, qui répondait au récipiendaire, s’exprima ainsi : « M. l’archevêque de Lyon aimait l’assemblée provinciale dont il était le président. Là il voyait la noblesse, oubliant ses prétentions et non le véritable honneur, se confondre avec le peuple, et le peuple n’avait plus pour elle ce respect mêlé de crainte qui tient les hommes dans un état de haine, mais ce respect tendre et touchant qu’inspirent l’estime et la confiance. Il aimait à voir le peuple et les ordres privilégiés concourant ensemble, et des deux parts en même nombre, tantôt à marquer la route et à calculer les frais d’un canal, tantôt précipitant la construction d’un édifice consacré à l’indigence, quelquefois cherchant à encourager un nouveau genre d’industrie sans nuire à la liberté du commerce, et s’occupant de répartir l’impôt suivant la richesse et non suivant les rangs, ici retrancher un dixième inutile, là sauver au pauvre les frais d’une dépense nécessaire ; enfin le peuple et la noblesse montrer toujours et toujours de concert l’amour du bien général, l’amour des lois et le plaisir d’unir leurs intérêts, » C’est ainsi qu’on parlait à l’Académie française le 29 décembre 1788.

L’agitation qui suivit dans toute la France la promulgation des édits de mai 1788 eut son retentissement à Lyon. M. Barou du Soleil, procureur-syndic pour le tiers-état, avait été nommé procureur du roi près du grand-bailliage de Lyon ; il refusa d’accepter.