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les campagnes. » Cet évêque de Metz, d’une éloquence si affectueuse, si patriotique, était le cousin du vicomte Matthieu de Montmorency-Laval, qui avait été élevé par Sieyès, et qui, après s’être distingué aux états-généraux par sa passion pour toute sorte de réformes, se repentit dans l’émigration, et reçut de Louis XVIII le titre de duc et le portefeuille des affaires étrangères.

Après la clôture de l’assemblée, l’agitation qui régnait partout se répandit dans le pays messin. Ce pays voulut avoir aussi ses états provinciaux ; on alla même jusqu’à leur donner le nom ambitieux d’états-généraux d’Australie, en souvenir de l’époque mérovingienne. M. Emmery, avocat à Metz, qui est devenu depuis sénateur, comté et pair de France, se mit à la tête du mouvement. Une réunion se tint à l’hôtel de ville de Metz, le 15 janvier 1789, sous la présidence du marquis de Chérisey, que le roi avait nommé le premier membre de la noblesse à l’assemblée provinciale ; elle se composait de 22 membres du clergé, 49 de la noblesse et 75 du tiers-état ; Rœderer, alors conseiller au parlement, et déjà connu par ses écrits économiques et politiques, y assistait. « Nous avons dessein, dit le président, de demander à sa majesté que l’administration provinciale soit convertie en états provinciaux. » Le maréchal de Broglie, gouverneur de la province, blâma cette assemblée comme illégale, mais M. de Chérisey tint tête au maréchal ; il fut nommé à la fin de 1789 colonel-général de la garde nationale.


III. — ALSACE.

La généralité de Strasbourg comprenait les deux départemens actuels du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, qu’on désignait alors sous le nom de Haute et Basse-Alsace. Malgré le peu d’étendue de cette généralité, l’assemblée provinciale se composait de 48 membres à cause de sa population et de sa richesse. Le président naturel eût été le cardinal de Rohan, prince-évêque de Strasbourg ; mais la scandaleuse affaire du collier étant encore toute récente, le roi choisit à sa place le bailli de Flachslanden, grand’croix de l’ordre de Malte, avec le titre de turcopolier ou chef de la langue de Bavière[1]. Parmi les autres membres du clergé se trouvaient l’évêque de Dora, vicaire-général de Strasbourg, le baron d’Andlau, prince-abbé de

  1. Les grands dignitaires de l’ordre de Malte portaient des titres différens. Le chef de la langue de France se nommait le grand-commandeur ; pour la langue d’Auvergne, c’était le maréchal ; pour la langue de Provence, le grand-hospitalier ; pour la langue d’Italie, l’amiral ; pour la langue d’Aragon, le grand-conserwteur ; pour la langue de Castille, le grand-chancelier ; pour la langue d’Allemagne, le grand-bailli ; pour la langue de Bavière, le turcopolier.