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règlement, et arrêta une constitution complète de la province, qui contenait de véritables améliorations, surtout pour les municipalités rurales.

La principale de ses délibérations roula sur une question de douanes. Dans un mémoire présenté à l’assemblée des notables, M. de Calonne, adoptant un plan tracé par Necker dans son traité de l’Administration des Finances, avait proposé la suppression immédiate de toutes les douanes intérieures et l’établissement d’un tarif uniforme et modéré aux frontières du royaume. « Un travail récemment terminé, disait-il, a fait connaître que le droit de circulation intérieure, objet de 5,500,000 livres, serait facilement compensé par l’extension générale du commerce, par une perception égale de droits sagement combinés à toutes les entrées et sorties du royaume, par une diminution très considérable des frais de recouvrement, et par l’abolition de la contrebande… » Suivait l’énumération des droits nouvellement proposés, et dont aucun n’avait en effet le caractère prohibitif ni même fiscal à l’excès, puisque les plus élevés ne dépassaient pas 20 pour 100 et qu’ils se tenaient presque tous entre 10 et 15 pour 100 de la valeur. C’était, à très peu de chose près, le tarif qui fut voté quatre ans plus tard par l’assemblée constituante, avec cette différence que l’assemblée admit un plus grand nombre de prohibitions. Ce tarif, le plus libéral qu’on ait vu, était donc parfaitement conforme aux principes du récent traité avec l’Angleterre, et, s’il avait pu être appliqué, notre commerce extérieur, déjà considérable en 1787, aurait pris un rapide essor, au lieu de tomber de moitié pendant la période révolutionnaire et impériale.

L’assemblée des notables avait approuvé en principe le tarif, mais sous la réserve que les assemblées provinciales de Nancy, de Metz et de Strasbourg seraient préalablement appelées à donner leur avis. Ces trois généralités formaient en effet, à l’angle nord-est du territoire, ce qu’on appelait les provinces d’étranger effectifs c’est-à-dire qu’elles communiquaient librement avec l’étranger, tandis qu’une barrière de douanes les séparait du reste du royaume. Depuis là réunion de la Lorraine à la France, on avait souvent voulu faire disparaître cette anomalie ; mais l’opinion locale avait toujours défendu ce qu’elle regardait comme un précieux privilège. Une polémique assez vive s’était engagée à ce sujet, quelques années auparavant, entre M. Coster, qui soutenait l’ancien état de choses, et l’abbé Morellet, qui l’attaquait au nom des intérêts manufacturiers. Le bureau chargé d’examiner cette question choisit pour rapporteur l’abbé de Domnasle ; son rapport, fort étendu, exposait le pour et le contre, et ne concluait pas. La nomination de M. Coster comme procureur-syndic indiquait cependant l’opinion qui dominait dans l’assemblée.