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subi l’humiliation de Bronzell et d’Olmütz, assisté l’arme au bras à la guerre d’Orient, pensa un jour risquer la paix du monde pour la défense de droits dont aucun de ses sujets ne se souciait ! Il demanda aux états du sud de l’Allemagne la permission de faire marcher ses troupes à travers leur territoire. Déjà les officiers à Potsdam se réjouissaient à l’idée d’une croisade contre les républicains de la Suisse, déjà l’ordre, de la mobilisation de l’armée était signé, et les chambres se préparaient à recevoir le coup d’une nouvelle demande de crédit, quand fort heureusement la France intervint pour tirer le cabinet de Berlin d’un embarras où le grotesque le disputait au tragique. Tandis que l’Autriche ne laissait pas échapper l’occasion de narguer un peu sa rivale en Allemagne, tandis que lord Palmerston faisait durement sentir sa rancune ; à la puissance restée neutre pendant la guerre de Crimée, l’empereur Napoléon profitait de la circonstance pour se montrer généreux, et le fils de vingt-quatre électeurs et rois entrait alors avec le « parvenu » dans une correspondance intime et affectueuse, pleine d’épanchement et de gratitude, au sujet de « cette mélancolique affaire de Neuchâtel. » Mélancolique ou non (les Allemands lui donnaient un autre nom), cette affaire fut la conclusion on ne peut plus significative d’un règne où le romanesque avait toujours joué un si grand rôle. Quelques mois après en effet se révélèrent déjà chez le roi les premiers symptômes de cette triste maladie qui, cachée d’abord avec soin au public, ne put cependant rester longtemps un secret pour le pays. Ce n’est pas assurément un témoignage médiocre pour le caractère moral et l’esprit monarchique du peuple prussien que la nouvelle de cette catastrophe n’ait éveillé d’abord chez lui qu’un profond sentiment de compassion pour l’auguste patient. Il sut respecter la douleur de la famille royale, et consentit à subir pendant toute une année une véritable fiction de gouvernement. À la longue pourtant, une telle situation devenait intolérable ; une grande puissance ne pouvait demeurer indéfiniment dans un tel provisoire, et M. de Manteuffel n’était pas certes un Pitt capable de suppléer par son génie à l’éclipse de la raison royale. Les intérêts de l’état aussi bien que ceux de la liberté, si longtemps en souffrance, réclamaient l’avènement d’un nouveau chef. L’agitation augmenta de jour en jour, la discussion devint passionnée et amère, et c’est avec une joie immense que le pays apprit enfin l’installation régulière d’une régence (7 octobre 1858).

Et cependant les précédens du prince royal étaient loin de rassurer complètement le public à l’égard de ses penchans constitutionnels. Aujourd’hui surtout que les espérances conçues à l’avènement du régent ont été si fortement ébranlées par l’appel fait au