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une des plus importantes chaires de l’université, il sut vite gagner la faveur du roi, et prit une part active dans les luttes religieuses qui signalèrent les débuts du nouveau règne. Ambitieux, mais profondément maître de lui-même, il se retrouva facilement dans ce monde nouveau pour lui, charma la cour par son esprit brillant et piétiste, et parvint, comme professeur, à retenir par l’éclat du talent un auditoire qui ne s’était d’abord pressé à sa chaire que par curiosité. Son action politique ne commença cependant en réalité qu’à la fin de 1848, alors qu’une série d’articles « sur la révolution et la monarchie constitutionnelle, » émanés de sa plume et publiés dans la Gazette de la Croix, inaugura l’habile tactique du parti réactionnaire, qui consistait à accepter le nouvel état de choses en bloc pour le détruire ensuite en détail. Au printemps de 1849, il prenait déjà son siège à la première chambre, et si dès le début il s’y montra très hostile aux idées unitaires qui agitaient alors les esprits au-delà du Rhin, s’il réclamait à haute voix « qu’on redressât au plus vite en Allemagne la colonne renversée du droit, » c’est-à-dire le Bundestag, il n’en crut pas moins devoir d’abord user de précautions oratoires envers le nouveau système qui avait prévalu en Prusse : il se dit libéral et déclara « être seulement partisan du gouvernement constitutionnel contre le régime parlementaire. » — « Je veux, j’ai toujours voulu la constitution et le parlement ; mais, comme l’équilibre des pouvoirs est impossible par la nature même des choses, je demande que le centre de gravité soit placé dans la puissance du prince, non dans celle de la représentation. » Peu à peu il laissa de côté les ménagemens et leva résolument le drapeau de la contre-révolution. Pendant douze ans ; cet homme au corps frêle, au profil marqué du type oriental, au regard vif et étincelant, se fit le champion de toutes les idées rétrogrades dans l’état et l’église, devint le grand théoricien de la réaction « chrétienne, » et mit des facultés brillantes et une activité infatigable au service de l’ordre équestre. Encore aujourd’hui c’est par le.nom de Stahl qu’est désignée la fraction la plus notable et la plus opaque de la haute chambre de Berlin.

Nous n’avons point à exposer ici la doctrine philosophique que le célèbre professeur donnait pour base à son système politique ; nous n’insisterons pas non plus sur le vernis de théorie nouvelle qu’il prêtait à des pauvretés prétentieuses. Que M. Stahl eût prêché un « retour » (umkehr) dans la science et dans l’état, qu’il eût voulu que la première se pénétrât de foi et le second d’humilité, qu’il eût recommandé une « charité expectante envers l’individu dissident en matière de foi, mais flétri une tolérance de relâchement et de lâcheté » envers ces mêmes dissidences, dès qu’elles prétendaient