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côté furent alors les vœux de M. de Manteuffel dans le conflit engagé entre le pouvoir exécutif et le régime parlementaire en France ; la célèbre brochure publiée à Paris sous le titre de Révision de la Constitution, et attribuée au prince-président de la république française, parut à Berlin, traduite en allemand, avec une préface chaleureuse et la marque significative de l’imprimerie royale. Chose curieuse et qui peint bien la situation, le moins empressé à invoquer un coup d’état en France, le plus prompt même à le flétrir après qu’il eut réussi et à dépasser de beaucoup les violences de la démocratie, ce fut précisément le parti de la croix. C’est que ce parti aurait mieux aimé le triomphe momentané de la république rouge à Paris : une pareille perspective lui promettait une solution bien autrement radicale, une restauration tout autrement a complète » aussi bien en-deçà qu’au-delà du Rhin.

Si désappointés cependant qu’ils pussent être dans leur attente, les meneurs du parti n’en résolurent pas moins d’exploiter le moment, de profiter du souffle de réaction universelle que le 2 décembre avait nécessairement amené avec lui : la révision de la constitution devint aussi le mot d’ordre à Berlin, — tant il est vrai que réactionnaires aussi bien que libéraux sont toujours condamnés à imiter la France dans cette bienheureuse Allemagne, si jalouse de son indépendance et de son originalité, si unanime à maudire et à dénigrer « l’ennemi héréditaire ! » Dès janvier 1852, les chambres furent saisies d’une pétition du comte Saurma-Jeltsch, tendant à éliminer de la charte tout ce qui était incompatible « avec les conditions et les souvenirs de la Prusse ! » et M. Stahl développa à cette occasion tout un système de restauration féodale qui devint le programme d’une grande campagne entreprise en règle et depuis continuée pendant plusieurs années.


II

Après la victoire remportée par la royauté sur la révolution vers la fin de 1848, la guerre n’avait été déclarée d’abord qu’aux rouges, aux démocrates, et un peu plus tard aux « pharisiens de la démocratie modérée, » selon l’heureuse expression de la presse ministérielle. À la suite de la débâcle d’Olmütz, l’attaque s’était portée, sur les constitutionnels, les hommes de Gotha, détestables rhéteurs aux solides poumons. Après le 2 décembre, ce fut le « bourgeois » qui devint le point de mire des assauts : il ne s’agissait plus d’abroger seulement le système constitutionnel, mais bien de changer les bases de toute société moderne, de revenir au-delà de 1808,