Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/260

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’eau, bientôt grossis dans leur cours, qui avaient été destinés, à travers les obstacles et les intermittences, à former les deux grands fleuves, et il fallait encore discerner les infiltrations de l’un à l’autre. Le dédale administratif, souvent interrompu et mêlé par les événemens politiques, s’ajoutait au labyrinthe des créations particulières, c’est-à-dire au travail de formation des fonds de Brienne, de Béthune, de Dupuy, de Colbert, etc. — M. Félix Ravaisson, l’esthéticien distingué, l’interprète habile d’Aristote, s’est chargé de ce rude labeur, et, à le lire, on en oublie toute la complexité, tant il fait sentir, sous la trame de sa patiente analyse, une vive et douce lumière, qui aide à suivre sans peine et avec une constante sympathie les destinées de ces vénérables témoins de notre vieille histoire.

Sous la dénomination modeste d’un simple rapport, on a donc aujourd’hui un volume de plus de trois cents pages qui sera recherché des historiens et des archivistes. Aux premiers, il apprendra à bien connaître ces grandes et précieuses collections où ils peuvent puiser sans cesse ; aux autres, il fournira des renseignemens de détail dont le secours leur est indispensable. L’auteur, dont nous connaissions déjà, il est vrai, l’érudition de bon aloi, depuis la publication d’un curieux catalogue de bibliothèque provinciale, s’est transformé en professeur de l’École des chartes ; il définit fuse ac diserte ce que c’est que lettres patentes, diplômes, chartes, lettres missives, sceaux de cire verte en signe de verdeur inaltérable ou de perpétuité, etc. Quant à l’objet particulier du livre et à ses conclusions, un nouveau partage est demandé suivant lequel la Bibliothèque impériale devrait surtout restituer un grand nombre de volumes et de papiers manuscrits au dépôt des Archives. Quel que doive être le résultat définitif, le livre de M. Ravaisson n’en subsistera pas moins avec sa réelle importance. En effet, si un ordre meilleur est introduit dans nos collections, il l’aura préparé d’une façon excellente. Si nul changement important n’intervient, ce qui paraît devoir être le cas[1], il aura du moins répandu une lumière nouvelle, qui rendra plus faciles les explorations futures. Il aura démontré surtout, — c’est la moralité de son livre, — que la clé de ces riches dépôts est la connaissance des développemens de notre histoire et de celle de notre érudition française, qu’en beaucoup de parties, avec ce flambeau, le désordre est plus apparent que réel, et qu’enfin, si le statu quo n’est pas le parti absolument le meilleur, il ne rompt pas du moins un précieux accord avec la tradition historique et littéraire.


A. GEFFROY.


V. DE MARS.

  1. Le résultat s’est borné à un échange entre les deux établissemens ; mais cet échange a fait rentrer dans le trésor des chartes des documens d’une haute importance : on a transporté de la Bibliothèque ou, pour mieux dire, de ses greniers, aux Archives de l’empire les papiers du contrôle-général, ceux du clergé et quelques autres collections encore.