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de l’honneur et la force des choses font pour l’Italie, de la question intérieure, la préoccupation principale. La question romaine est bien une affaire intérieure de premier ordre ; mais elle est en même temps, grâce à la nouvelle attitude de la politique française, la plus grave et la plus délicate des questions étrangères. Un scrupule de dignité doit empêcher le gouvernement italien d’agiter cette question dans ses relations avec le gouvernement français. Dans la nouvelle phase où l’affaire de Rome est entrée, les Italiens ont tout à gagner à faire les morts. Qu’ils laissent oublier pendant quelque temps que la question romaine est italienne, qu’ils laissent pendant quelque temps prédominer dans la question l’élément purement français : ils ne perdront rien pour attendre. Nous nous engageons à Rome dans une voie sans issue. Nous demandons au saint-père de petites réformes municipales, et il semble que nous les obtenions. Où nous conduira cette besogne ? Est-ce bien de cela qu’il s’agit ? Un essai d’institutions municipales résoudra-t-il la contradiction radicale qui existe à Rome, par la confusion du spirituel et du temporel, entre le principe théocratique et les principes des sociétés modernes ? Au nom d’un tel essai, aura-t-on jamais le droit d’exclure les populations romaines de la vie générale de la nationalité à laquelle elles appartiennent, de la nationalité italienne ? Un tel accommodement est-il de mise avec les principes que la France représente dans le monde ? Un écrivain dont l’orthodoxie n’est pas suspecte, M. Eugène Rendu, vient de porter une lumière vive sur ces données du problème. Les enseignemens du passé qu’il demande à l’histoire de l’Italie au moyen âge démontrent que le pouvoir temporel, sous sa forme actuelle, est une création récente, qui ne remonte pas au-delà de trois siècles, de l’époque où, comme dit Guicciardini dans son beau langage, ayant perdu le sens des mots et la rectitude de la pensée, essendo perduti i veri vocaboli delle cose e confusa la distinzione del pensar rettamente, on rechercha dans les vicaires du Christ le génie politique au lieu de la sainteté de la vie. La France de la révolution peut-elle prendre longtemps devant le monde la responsabilité de faire vivre arbitrairement la dernière relique, la relique théocratique, des pouvoirs absolus que le mouvement du XVIe siècle a créés, et que le mouvement du XIXe siècle a renversés ? La France de la révolution peut-elle longtemps séquestrer les populations romaines de la vie nationale de l’Italie ? Ce problème est aussi pour la France une question intérieure, et l’on ne peut tarder à s’en apercevoir.

C’est dans un prospère et tranquille pays, la Hollande, que nous avons à signaler une crise ministérielle provoquée par une réaction conservatrice. La première chambre des états de Hollande vient de rejeter le budget des colonies par 30 voix contre 4. L’opposition conservatrice était en effet dirigée principalement contre le ministre des colonies, M. Uhlenbeck, qui avait présenté, un projet tendant à établir par la loi l’industrie dite privée dans l’île de Java. Les conservateurs du système colonial se sont élevés contre ce projet, où ils ont voulu voir le commencement de l’abolition du