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ou les unions de paroisses par le fait d’un emprunt qui les placera dans un état permanent de pauvreté. Dans le comté dont il s’agit en cette discussion, d’immenses sommes d’argent ont été réalisées, des manufacturiers ont fait d’énormes fortunes qu’ils possèdent encore. Un honorable membre dit que ces fortunes ont été immobilisées sous forme d’usines ; mais les manufacturiers ont accumulé des sommes beaucoup plus considérables que celles qui sont représentées par les usines. Il y a d’énormes capitalistes (enormous capilalists) dans ce comté, et quelques-uns d’entre eux, je suis fâché de le dire, quoique ayant une population mourant de faim (starving) à leurs portes, ont à l’heure qu’il est, en vue d’un bénéfice, vendu et envoyé à l’étranger la matière première qu’ils auraient dû employer à occuper leurs usines et à soutenir leurs ouvriers. Ces gens-là vont-ils être exemptés[1] ? »


M. Cobden, qui s’était constitué le défenseur des intérêts du Lancashire, n’en soutenait pas moins que le comté était appauvri, que le capital était amoindri, et qu’il était injuste de faire peser sur un présent déjà atteint dans sa prospérité toutes les charges, tandis qu’on pouvait en rejeter une partie sur un avenir plus heureux. La chambre des communes admit les deux systèmes, laissant les paroisses libres de faire participer leurs voisines à l’excédant des charges, ou bien de faire des emprunts avec l’autorisation du bureau central de Londres. Finalement, d’après l’acte voté par le parlement au mois d’août dernier, sitôt que la taxe des pauvres dépasse 3 shillings par livre, les guardians recourent aux autres unions. De plus, sitôt que la taxe dépasse 9 deniers par trimestre, les guardians ont le droit, avec l’assentiment du board of poor law, d’emprunter les sommes dont ils ont besoin. En outre, lorsque le taux de la taxe dépasse 5 shillings par livre pour l’année totale, que les emprunts aient été faits ou non, l’excédant est payé par le comté tout entier. De cette manière en effet, il est peu probable que les ressources puissent jamais manquer. Là s’est bornée l’intervention du gouvernement : le pouvoir des boards of guardians a été étendu ; mais le principe de l’assistance par la taxe des pauvres a été maintenu.

Le débat terminé au parlement était dès lors porté devant le pays, et les projets se multiplièrent. Il importait avant tout, selon quelques personnes, de soustraire des hommes éclairés et intelligens à l’humiliation d’être traités comme des pauvres attitrés. C’est ainsi qu’on proposa de former un capital qui aurait permis de faire des prêts individuels aux ouvriers anglais, en leur laissant la faculté de ne se libérer que peu à peu et lorsque les temps seraient meilleurs. Ce système, pour devenir praticable, supposait toutefois une

  1. Séance du 1er août 1862 à la chambre des communes.