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PLUTUS.

Qu’est-ce que tu dis, Mercure ? Je suis un dieu ?

MERCURE.

Te voilà sourd à présent ? Il ne te manquait que cela !

PLUTUS.

Je ne suis pas sourd. Si les hommes me prennent pour un dieu, j’en suis un, et j’entends que tu me traites comme ton égal.

MERCURE.

Mon égal ? toi, mon esclave ! Prends garde que je ne t’applique mon caducée sur les oreilles !

PLUTUS.

Oui-da ! je ne te crains guère, l’homme au petit chapeau ! L’esclave, c’est toi, mon bon ami, car tu ne peux te passer de moi ; sans moi, tu n’es rien ; c’est ce qui fait que tu n’es pas plus dieu que moi-même.

MERCURE.

Tais-toi, brute ! Je suis le fils de Jupiter !

PLUTUS.

La preuve ?

MERCURE.

Les ailes de mon cerveau. Je suis l’intelligence, l’invention, le calcul, l’activité… Si les hommes abusent de mes conseils, ce n’est pas ma faute.

PLUTUS.

En attendant, tu te conduis comme un fripon, et je me déclare innocent de tout le mal auquel tu m’emploies. Tu reçois l’hommage des courtisanes, des calomniateurs et de toutes les sangsues qui se collent aux deniers publics. Tiens, laisse-moi tranquille. Je veux faire ici un bon somme, et tes subtilités me fatiguent, (Il se couche.)

MERCURE.

Dors donc, associé de malheur ! Maudit soit le jour où le destin lia mes pas agiles à ton pas inégal et fantasque, tantôt lourd comme le plomb, tantôt rapide comme la foudre !


SCÈNE II
MERCURE, PLUTUS endormi, MYRTO.


MYRTO, surprise.

D’où viens-tu, bel étranger ? Es-tu quelque prêtre de Mercure, que tu te pares de ses attributs ?

MERCURE.

As-tu quelque requête à soumettre au dieu que tu viens de nommer ? Parle, fille charmante. Tu ne saurais éprouver de refus.

MYRTO.

O voyageur mystérieux, dis-moi…

MERCURE.

Appelle-moi Mercure, comme si tu lui parlais à lui-même.

MYRTO.