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prenant la cause de l’Allemagne en main, réduit le cabinet de Copenhague, doit, pour peu que la diète fédérale veuille précipiter les choses, amener non-seulement une exécution dans le Holstein, mais encore une intervention active au nord de l’Eyder qui sera le signal d’une guerre nouvelle. Le Danemark ne restera point sans alliés ; M. le comte Manderström n’a pas dissimulé quelle serait infailliblement l’attitude du gouvernement de Charles XV ; lord Russell n’ayant pas communiqué au cabinet de Stockholm ses deux dépêches, le comte Manderström a écrit à la légation suédoise à Londres qu’il était tenté de féliciter le ministre anglais d’un silence si opportun, ses dépêches paraissant écrites à l’adresse des cours ennemies du Danemark ou fort ignorantes de ses affaires, et la cour de Stockholm n’étant dans l’un ni l’autre cas.

À défaut d’intérêts généraux et permanens qui auraient dicté les deux lettres du 24 septembre et du 20 novembre, y a-t-il donc en ce moment quelque intérêt particulier qui unisse le cabinet de Londres à la politique de Francfort ? S’il en est ainsi, ce ne sera pas assurément à l’insu de la nation anglaise ; les journaux qui ont soutenu jusqu’à ce jour la politique de lord Russell auront cherché à persuader l’esprit public : le secret sur une démarche publique d’un membre du cabinet ne saurait être de mise dans un pays comme l’Angleterre. Eh bien ! chose curieuse, la démarche de lord Russell paraît avoir été désavouée par la nation entière, et même, s’il faut en croire les expressions nombreuses de la croyance publique, par les autres ministres ses collègues. D’abord il n’est pas douteux qu’elle ait affecté péniblement le sentiment général, arrivant au moment même où la nation anglaise venait de faire un si loyal accueil à la princesse Alexandra de Danemark, fiancée de son roi futur. Personne n’a su gré au ministre d’un démenti si tôt donné aux espérances que ce mariage avait fait naître, au moins à Copenhague. Un autre détail de ce malheureux épisode a été remarqué. Lord Russell, pour établir sa conviction sur la prétendue oppression des habitans du Slesvig, s’est servi d’agens secrets ; il le déclare franchement dans ses dépêches, affirmant que les rapports reçus par lui sont dignes en tout d’une parfaite confiance. On s’est demandé ce que lord Russell pensait donc des assurances précisément contraires du ministre des affaires étrangères de Danemark et du résident danois à Londres, et si le membre du cabinet britannique n’avait pas encouru par de tels procédés certains reproches.— On a raconté que lord Russell avait usé dans cette démarche de sa seule initiative. Au commencement de l’automne dernier, voyageant en Allemagne, il s’était arrêté à Cobourg, et, sous les influences bien connues qui dominent dans cet asile de la démocratie germanique, il