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à l’université tout allemande de Kiel ou bien à l’université danoise de Copenhague. On sait quelle inspection sévère le gouvernement prussien exerce sur l’éducation privée, et comme quoi maîtres libres, institutrices et gouvernantes doivent exhiber un certificat de police qui comprend, outre les renseignemens sur leur capacité, une attestation concernant leurs opinions politiques. Rien de pareil en Slesvig. Si l’on parle enfin d’oppression purement politique, le grand-duché de Posen n’a-t-il pas été entièrement assimilé aux autres parties de la monarchie prussienne en dépit des traités et déclarations de 1815 ? « Il ne s’agit pas d’attirer les Polonais, mais de les refouler, disait déjà le grand Frédéric. — Il faut nous débarrasser d’eux, car j’aime mieux avoir là-bas un seul Allemand que tout ce peuple de Polonais[1]. » Les successeurs de Frédéric II ont fidèlement observé son programme ; la Prusse en a retiré beaucoup d’avantages, mais non pas spécialement peut-être celui d’une réputation de dévouement et de désintéressement envers les nationalités placées près de ses frontières. Le souvenir se reporte plutôt vers quelques épisodes célèbres de la politique du grand roi ; de concert avec la Russie, il s’est fait garant de la constitution anarchique de la Pologne, et la Pologne a été démembrée ; avec le même concours, il a prétendu imposer la même protection à la Suède, et sans le coup d’état de Gustave III la Suède eût été partagée. Faisons en sorte, de grâce, que les enseignemens de l’histoire ne soient pas perdus.


III

Pourquoi cependant lord Russell a-t-il fait subitement cause commune avec les cours de Vienne et de Berlin contre le Danemark sur un terrain aussi mal choisi que celui du Slesvig ? Est-ce que certains intérêts communs de la Prusse et de la Grande-Bretagne, inaperçus jusqu’ici, devaient amener ce concours ? Nous n’en trouvons aucun ; nous avons toujours cru au contraire qu’il n’était pas plus dans les desseins de l’Angleterre que dans ceux de la France de favoriser d’elles-mêmes les progrès de la marine allemande et de détruire le contre-poids d’une alliance avec le groupe suffisamment fortifié des états Scandinaves en présence de deux puissances comme la Prusse et la Russie. L’intérêt permanent de la paix de l’Europe ne peut pas même être invoqué ici, car, s’il est vrai que l’interminable durée du débat entre l’Allemagne et le Danemark soit une cause d’engourdissement funeste pour ce petit royaume et un germe de désordre général toujours prêt à s’envenimer et à s’étendre, il est incontestable aussi qu’une extrémité comme celle où lord Russell,

  1. <(3) Ordres royaux, 31 janvier 1773, 4 janvier 1782, cités par M. Gosch.