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en une telle prétention ? Dans les provinces de Prusse orientale et occidentale, en Silésie et dans le grand-duché de Posen, il y a une population de près de 3 millions de Polonais contre Il millions et demi d’Allemands ; dans le pays de Posen en particulier, il y a 850,000 Polonais contre 550,000 Allemands. Comment la Prusse a-t-elle traité là une nationalité importante ? L’élément germanique y est dû exclusivement, comme dans le Slesvig, à l’immigration qui, pendant les quarante dernières années, s’est pratiquée sur une grande échelle ; le chiffre des habitans allemands dans Posen s’est élevé, depuis 1819, de 140,000 à 550,000, non sans le concours très énergique du gouvernement, comme on pense bien : par exemple, un grand nombre de jeunes gens des meilleures familles du grand-duché ayant pris part comme volontaires, en 1831, à l’insurrection de Pologne, le gouvernement prussien infligea à ces familles des amendes si fortes que presque toutes furent ruinées ; un grand nombre d’entre elles, incapables de payer, virent leurs domaines confisqués, puis revendus par l’état exclusivement à des Allemands. On vit un ministre prussien, M. Flotwell, ouvrir un crédit spécial, soit pour l’achat des grandes propriétés polonaises que l’on revendit à des Allemands, soit pour des subventions en faveur des acquéreurs Allemands dans le grand-duché. La langue usitée dans l’administration et les tribunaux pour toutes ces provinces, en grande partie polonaises, est exclusivement l’allemand, tandis qu’en Slesvig la langue officielle, danoise ou allemande au gré des parties dans les cantons intermédiaires, est l’allemand dans les districts méridionaux. L’instruction primaire est obligatoire en Prusse comme en Danemark ; mais, dans les provinces de Prusse orientale et occidentale et de Posen, pour 2 millions d’habitans polonais, il n’y a pas d’écoles polonaises ; dans le Slesvig, au contraire, les écoles primaires sont exclusivement allemandes là où la population est allemande en majorité, et même dans les districts mêlés chaque école donne au moins un certain nombre de ses leçons en allemand. Pour l’instruction secondaire, Posen a un seul pro-gymnase polonais contre quatre allemands ; contre cinq gymnases exclusivement allemands, il y en a trois polonais ou prétendus tels, car la langue polonaise n’y est usitée que dans les classes inférieures. Ces trois gymnases ont à eux seuls 1,350 enfans ; la fondation d’un quatrième établissement polonais a été refusée jusqu’à ce jour, bien que le gouvernement ait sous la main, pour un pareil emploi, de larges sommes provenant de confiscations sur les biens ecclésiastiques. En Slesvig, au contraire, il y a trois collèges ou gymnases, un exclusivement allemand, un exclusivement danois, et un mixte. Point d’université polonaise dans le duché de Posen, tandis que les habitans du Slesvig peuvent s’adresser indifféremment