Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/207

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pendant un temps des institutions communes entre les deux duchés de Slesvig et de Holstein, et que cette communauté a noué des intérêts qui souffrent aujourd’hui d’être séparés. La réponse n’est pas difficile. On ne sait que trop bien qu’à l’époque où l’influence allemande a commencé à dominer en Danemark, quand les rois mêmes de ce pays étaient Allemands, cet abus, avec bien d’autres, s’est établi ; mais il ne s’est pas transformé en droit, et, comme il serait la puissante attache par où l’Allemagne attirerait à elle le duché de Slesvig, le gouvernement danois ne fait qu’obéir au sentiment de sa propre conservation en en interdisant le retour avec grand soin. Bref, le Slesvig est danois, et le Holstein est allemand : le premier est au roi de Danemark, le second fait partie de la confédération germanique, et il n’y a entre eux aucun lien politique, sinon le lien assez faible qui résulte d’une union dynastique.

Restent les prétendus engagemens d’honneur, — bounds of honour, — qui servent au cabinet de Berlin et à lord Russell de prétextes pour intervenir aujourd’hui dans les affaires intérieures de la monarchie danoise, dans l’administration du Slesvig. Qu’entend-on bien par cette désignation spéciale ? — Pour répondre à une telle question, il faut recourir aux dépêches écrites pendant la négociation de 1851-52. On trouve ces documens réunis dans un livre récemment publié à Londres sous ce titre : le Danemark et l’Allemagne depuis 1815, par M. Charles Gosch, en anglais ; c’est une exposition fort claire des argumens allemands, en face desquels l’auteur a placé une réfutation péremptoire. Dans un débat sur lequel les habitudes de la diplomatie germanique ont jeté un voile épais, un tel livre est appelé à rendre un grand service, et, nous dirons tout à l’heure comment, dans l’épisode que nous étudions aujourd’hui, il a déjà été utile. — Les documens qui contiennent la négociation de 1851-52 sont au nombre de cinq : il y a 1° un plan d’organisation de la monarchie communiqué aux cours allemandes, 2° une dépêche danoise du 6 décembre 1851, 3° une dépêche autrichienne du 26 décembre, 4° la proclamation du roi de Danemark à ses sujets en date du 28 janvier 1852, 5° la dépêche danoise du lendemain 29 janvier, communiquant aux cours allemandes une copie de la proclamation royale. Cette négociation avait été précédée du traité de Berlin du 2 juillet 1850, terminant la guerre entre l’Allemagne et le Danemark ; elle était close par la résolution fédérale du 20 juillet 1852, commençant par ces mots : « La diète fédérale reconnaît les dispositions annoncées dans la proclamation de sa majesté le roi de Danemark, en date du 28 janvier démette année, en tant que ces dispositions concernent les affaires des duchés de Holstein et de Lauenbourg,… » et continuant jusqu’à la fin sans nommer une seule fois le Slesvig.