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l’Angleterre a laissé voir combien elle convoitait une rade dans ces parages. M. Marryat, lui, n’est pas un agent politique ; il ne se donne pas non plus à lui-même la mission de sonder les mouillages des côtes de Gothland ; il est touriste curieux, instruit, bien informé, nous l’avons dit ; c’est tout ce qu’il faut aux négocians et aux politiques ses compatriotes, qui sauront bien, dans son récit, démêler les traces fécondes.

À M. Marryat encore, après beaucoup d’autres voyageurs anglais dans le même pays, est due la dernière description du royaume de Danemark. Les annales danoises, auxquelles se joignent les légendes racontées dans les sagas et les traditions rapportées par Saxo Grammaticus, offrent tant de rapports, non-seulement historiques, mais littéraires, avec les annales britanniques, le souvenir d’une commune origine est tellement vivant entre les deux peuples, en dépit de quelques dates funestes, comme 1807, qu’une visite en Danemark offre au voyageur anglais un charme tout particulier. On s’en aperçoit en lisant le récit de M. Marryat sur le Jutland et.les îles danoises. Il est comme chez lui dans les duchés, qu’il visite d’abord, et qui n’offrent pas, quoi qu’on dise, l’identité qu’on leur attribue avec l’Allemagne. Sous le vêtement étranger qui, à certains égards, la déguise, le voyageur anglais reconnaît dans les campagnes et dans les villes danoises sa propre langue ; il retrouve les vieilles croyances et les superstitions de ses compatriotes ; il n’a pas changé de ciel et de climat.

Ce serait une longue énumération que celle des liens historiques, politiques, commerciaux, industriels, qui unissent, de nos jours l’Angleterre aux états Scandinaves ; les nombreux voyages anglais, dont nous n’avons cité que les plus récens, en sont assurément de suffisans témoignages. Il y en a d’autres toutefois, comme le zèle tout nouveau des Anglais pour les littératures du Nord ; la traduction très méritante de la célèbre Saga de Nial par M. Dasent, celle, fort distinguée aussi, des chants populaires du Danemark par M. Alexander Prior, en ont été, il y a peu de temps, des preuves éclatantes.

À la suite de tous ces rapports, une opinion sympathique s’est formée en Angleterre à l’égard des deux royaumes Scandinaves. Le peuple anglais a accepté très volontiers le voisinage de ces nations au gouvernement et aux mœurs franchement libérales, et quand il a vu depuis quinze ans le Danemark en proie aux attaques passionnées de l’Allemagne, sans avoir besoin d’étudier de près les factums germaniques, instinctivement, guidé par son bon sens pratique d’accord cette fois avec des sympathies réelles et faciles à expliquer, il s’est décidé en faveur du faible contre le puissant, pour l’opprimé contre l’envahisseur. Telle a été pendant ces dernières années l’opinion publique en Angleterre ; nous ne disons pas qu’il y