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à dire vrai, mortelle pour son existence indépendante. C’est chose grave à toute heure, mais particulièrement dans l’état actuel des affaires européennes, qu’un germe de guerre où l’intervention anglaise est mêlée. Nous voudrions examiner ce que vaut l’acte politique auquel lord Russell vient d’attacher son nom, c’est-à-dire jusqu’à quel point le cabinet britannique est d’accord dans cette importante démarche avec la nation anglaise, par où la dépêche nous paraît blâmable dans tous les cas, et quelles en seraient au juste les conséquences au point de vue de l’existence du Danemark et de la paix générale.


I

Évidemment les pays scandinaves ont attiré plus vivement que jamais, dans ces dernières années, l’attention des Anglais. Je ne les accuse pas, quelque voisins qu’ils soient de ces contrées par la Mer du Nord, d’y vouloir faire des annexions, bien qu’ils nous soupçonnent nous-mêmes d’y méditer de temps en temps des acquisitions importantes. Non ; l’intérêt de leur commerce ou plutôt un besoin instinctif de fureter çà et là par les mers et de dresser sans cesse à nouveau l’inventaire de leur voisinage, telle est probablement la cause de leurs visites dans les presqu’îles et les îles du Nord, visites devenues plus fréquentes au moment où la rapidité des communications leur a ouvert de nouvelles routes et de nouveaux marchés. La Suède inaugurait, il y a quelques semaines, sa première grande ligne de fer, qui, dans le temps même où le commerce de la Russie septentrionale prend un grand essor, réduit à quatorze heures au lieu de soixante-douze le trajet de Stockholm à Gothenbourg : soyez persuadés que cet événement économique a produit plus de sensation à Londres qu’à Paris, et que le nouveau railway a déjà transporté, voyageurs et marchandises, un notable contingent venu d’Angleterre. Le commerçant anglais est précédé du touriste son compatriote ; celui-ci, riche ou pauvre, à pied et le bâton ferré à la main, ou dans son yacht, avec cinquante hommes d’équipage, comme lord Dufferin, a conscience de sa mission, qui consiste à pénétrer et à examiner partout, puis à noter et publier simplement ce qu’il a vu. La tâche est plus facile et l’attrait est plus grand, s’il s’agit de nations presque sœurs de l’Angleterre par une origine commune, comme c’est le cas avec les peuples Scandinaves ; l’intérêt d’une solidarité historique se joint alors à celui de relations profitables dans le présent et dans l’avenir.

L’Islande est particulièrement devenue pour les touristes anglais un but de promenades favorites. Ils n’y résident pas, comme M. Maurer, le savant professeur de Munich, huit mois de suite ; ils ne visitent