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moins, pas assez cependant pour qu’on ne puisse les souffrir et qu’on soit forcé d’en détourner les yeux. Il y a de notre part une extrême générosité à réclamer tout d’abord en faveur de M. Maréchal, puisque, si l’on prend M. Émile Augier au mot sur le moment où se passe l’action et sur les fonctions attribuées à ce personnage, ce ne serait rien moins, dans l’intention de l’auteur, que l’image fidèle du député français au corps législatif. Contraire comme nous le sommes au système des candidatures officielles, nous pourrions nous réjouir de voir M. Augier mettre sur la scène un résultat si lamentable de la méthode aujourd’hui employée pour recruter la représentation nationale ; mais ce serait abuser d’une exagération trop évidente, et parmi cette foule de noms qui se pressent sur nos lèvres lorsque nous voulons démontrer, par des exemples analogues à l’exemple de M. Augier, les inconvéniens de ce système, nous ne trouvons rien qui puisse approcher, même de loin, de M. Maréchal. Sa nullité, sa sottise, sa vanité, sont hors de proportion avec tout ce que nous pouvons connaître, et si l’histoire jette un regard sur cette comédie pour y apprendre quelque chose de notre état social et de nos mœurs, elle dira qu’en créant M. Maréchal l’auteur a trouvé moyen de forcer la vérité et de trop charger son modèle. Le marquis d’Auberive est un peu léger pour être le meneur d’un grand parti : il mène la pièce après tout, et c’est là son excuse ; mais son tort véritable à nos yeux, c’est de dire trop souvent et de crier trop haut qu’il est le père de Mlle Maréchal. On croirait qu’il se défie de notre intelligence trop bourgeoise et qu’il s’épuise à nous faire comprendre cette paternité irrégulière, tant il met d’insistance à nous la déclarer avec les expressions les plus variées et les plus claires. Ce n’est malheureusement pas un miracle que de se trouver parfois le père des enfans d’autrui ; le vrai miracle serait de l’afficher par sa conduite et de s’en vanter à tout propos. Il n’y a rien à dire de M. d’Outreville, que le mérite incontestable et inattendu d’un acteur a fait valoir peut-être plus que de raison. Il suffit pourtant de regarder et d’entendre ce séminariste déclassé pour sentir que M. Émile Augier connaît mal cette partie de notre jeunesse qu’il est censé avoir voulu peindre. M. d’Outreville ne ressemble pas plus à un des jeunes Français qui ont combattu à Castelfidardo que M. Maréchal ne rappelle M. Keller, ou que la baronne Pfeffers ne donne la moindre idée de Mme Swetchine. Et c’est à la décharge de M. Augier qu’il faut constater cette absence absolue de toute prétention à une ressemblance personnelle. Il est évident que, sauf une exception malheureuse et blâmable contre un écrivain digne aujourd’hui de plus d’égards, il n’a point songé à user contre les personnes de l’odieux et terrible instrument de la scène ; il a voulu faire la satire d’une opinion et d’un parti, ce qui est déjà beaucoup trop dans