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LE
THEATRE CONTEMPORAIN

Le Fils de Giboyer, par M. Émile Augier.

Si nous ne voulions parler que de M. Augier lui-même et de son nouvel ouvrage, nous nous sentirions tout à fait à l’aise, animé comme nous le sommes des meilleurs sentimens à l’égard de l’auteur, et n’ayant jamais éprouvé aucune difficulté à reconnaître et à goûter son talent ; mais Le Fils de Giboyer a soulevé des questions importantes et délicates, bien plus embarrassantes à traiter que l’auteur ne le suppose, car nous nous sentons incliné à garantir sa sincérité lorsqu’il nous assure qu’il n’a pas eu la pensée d’attaquer des vaincus, et que rien n’est plus aisé que de lui répondre. Bien qu’on se refuse généralement à prendre au sérieux les opinions politiques de M. Émile Augier, nous n’avons pour notre compte aucune peine à croire qu’il est démocrate, à la mode du jour, il est vrai, et d’une façon qui ne lui coûte rien, mais avec une aversion enracinée pour l’opinion légitimiste telle qu’il la comprend, pour l’ancien régime tel qu’il se le figure, et pour le parti catholique tel qu’il l’a jadis étudié et détesté dans l’Univers. Ces sentimens ingénus, joints à l’occasion propice, à cette tentation plus forte que celle de l’herbe tendre qu’on appelle au théâtre l’actualité, ont poussé M. Augier à écrire sa pièce. Vivant comme il le fait, en pleine démocratie, je le veux bien, mais assez éloigné des diverses nuances de l’opposition libérale, il ne pouvait prévoir, il n’a certainement pas prévu l’effet que son œuvre allait produire. En face du soulèvement qu’elle excite, sa surprise et son irritation, sont sincères, et il serait injuste