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à ce point de vue surtout dans des œuvres élevées et sympathiques. Pourrait-on cependant dès aujourd’hui dégager cette généreuse et puissante action du barreau des publications qui se sont produites ?

Des avocats qui, pendant une longue carrière, ont diversement occupé l’attention du palais se sont décidés à réunir leurs plaidoiries ; ils viennent eux-mêmes témoigner de la part qu’ils ont prise aux luttes judiciaires de cette époque, et de ce qu’ils ont fait pour les franchises de la défense dont ils ont eu le dépôt. Par la publication de ses mémoires, M. Dupin, qui a vu disparaître le premier empire et qui eut un rôle dans presque tous les grands procès de la restauration, nous met à même d’observer le barreau dans l’essor qu’il prit tout à coup au début du gouvernement constitutionnel. Un des avocats qui l’ont suivi, M. Chaix-d’Est-Ange, a de son côté confié à des mains amies le soin de mettre au jour un choix de plaidoyers. Aussi bien jamais peut-être ces luttes de la parole n’ont été plus brillantes qu’à cette époque où la tribune et la presse étaient libres ; le barreau, se trouvait alors dans des conditions exceptionnellement favorables pour accomplir sa mission, pour donner la mesure de sa valeur, de son action sur les libertés publiques et privées, de ses forces vitales enfin. C’est donc bien là qu’il conviendrait de l’étudier dans ses allures, dans ses procédés, et de rechercher comment il a compris sa tâche alors qu’un souffle réformateur passait sur tant de choses en France. Si les œuvres récemment publiées apportent quelques lumières sur un tel sujet, cela suffit pour les recommander à notre examen.

Pendant près d’un demi-siècle, avocat, député, magistrat, M. Dupin a eu le privilège d’attirer sur lui l’attention publique à des titres bien divers. Ses souvenirs judiciaires sont consignés dans un premier volume qui commence avec la tragique affaire du maréchal Ney et finit avec celle des biens de la maison d’Orléans. On n’a point oublié qu’à l’époque où s’est présentée cette dernière affaire, le magistrat avait dignement déposé sa toge et repris cette robe de l’avocat qui fut toujours, comme il l’a dit, sa robe de dessous. En reportant ses souvenirs sur la carrière qu’il a tant aimée, M. Dupin confesse qu’il y a trouvé une satisfaction très vive et sans mélange. Une telle satisfaction est assurément permise à l’auteur de ces plaidoiries qui ont consolé tant de familles et vigoureusement patronné tant d’intérêts menacés ? Mais quand vient l’heure de toucher aux choses purement politiques, c’est un autre sentiment qui s’empare de l’écrivain, et dès ses premières paroles il déclare que de tout temps la vie politique lui a moins souri que la vie judiciaire. « J’ai entrepris d’écrire ce second volume, dit-il, avec moins d’empressement que le premier. » C’est qu’en effet, dans le tumulte des