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leviers : il suffit pour une contenance de 50 hectolitres, et convient surtout aux petites exploitations rurales. Toutefois, dans ces divers appareils mécaniques, c’est par un déplacement presque continuel que l’on prévient les fermentations, le développement des végétations parasites et les ravages des insectes. Il semble a priori que l’insufflation de l’air sans déplacement du grain doit exiger une force mécanique moindre, et que l’expulsion des insectes par les courans d’air est préférable à l’asphyxie par les réactifs chimiques. Tel est précisément le but que s’est assigné M. Devaux en apportant des perfectionnemens notables aux différentes méthodes jusqu’ici proposées. Sans entrer dans des détails techniques qui nous écarteraient du cadre de cette étude, bornons-nous à dire que, dans l’appareil Devaux, le blé se conserve à très peu de frais (7 centimes environ par hectolitre durant une année), garanti contre les ravages et les dégâts des insectes, des petits rongeurs, etc., qui diminuent d’un dixième ou de 8 à 10 millions d’hectolitres environ tous les ans les produits de nos moissons emmagasinés dans les greniers ordinaires. La dépense de premier établissement des nouveaux greniers représente seulement 3,75 par hectolitre de contenance, en y comprenant le prix des machines et appareils accessoires[1].

Des opérations non moins importantes, qui se rattachent également à l’emploi et à la conservation des grains, s’accomplissent dans les boulangeries rurales, urbaines et administratives de la France et de l’Angleterre. La consommation du pain blanc est, chez les différens peuples, un des signes d’une civilisation plus avancée. De remarquables innovations mécaniques ont assuré depuis peu d’années en France et en Angleterre un accroissement considérable dans la production du pain blanc, obtenu avec une égale quantité de blé. De tels résultats offrent une garantie nouvelle contre le retour des disettes[2]. L’un de ces procédés, imaginé par M. Mège-Mouriès,

  1. Déjà une expérience de plusieurs années, faite avec un grenier modèle contenant 3,000 hectolitres, établi à Londres pour le West India dock, a justifié toutes ces données numériques. Un grenier suivant le nouveau système, en construction à Trieste, sera composé de quatre cent soixante-quatorze caisses en tôle trouée, contenant chacune un peu plus de 600 hectolitres, ou en somme 300,000 hectolitres. Il n’occupera pas plus de 3,600 mètres superficiels de terrain, le quart à peine de l’espace qu’exigeraient les greniers ordinaires pour une égale contenance. La corporation des docks de Liverpool a décidé la construction de greniers semblables. Enfin la compagnie des chemins de fer du sud de l’Autriche et du Lombard-Vénitien vient d’acquérir le droit de faire établir des greniers d’après le même modèle jusqu’à la limite de 2 millions d’hectolitres.
  2. La disette réelle a presque toujours été le résultat de la crainte d’une disette qui, portant chacun à réunir des approvisionnemens, fait bientôt disparaître blés et farines des marchés. Pour inspirer une telle crainte, il a généralement suffi d’un déficit dans la récolte de 10 ou 12 centièmes de la consommation totale : or si l’on peut obtenir de 100 de blé 10 de plus en farine paniflable, cette cause de l’effroi populaire disparaît.