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quelques planches un barrage sur un point quelconque du parcours, l’eau y monte aussitôt, et forme un bassin d’une profondeur suffisante pour alimenter, à l’aide d’un tube aspirateur, la pompe d’une locomobile. Il suffira donc de diriger cette machine près du bord des fossés, et parallèlement à cette direction, avec le bâtis fixé par les ancres et portant les poulies de renvoi, pour se procurer constamment l’eau d’alimentation nécessaire à la production de la vapeur. Il deviendra ainsi bien facile de réaliser économiquement une des plus importantes conditions du labourage mécanique, tout en donnant aux eaux du drainage une destination nouvelle, inconnue encore à l’époque où nous signalions ici même[1] divers emplois profitables de ces eaux. Quelques autres circonstances doivent également préoccuper ceux qui tiendraient à ne pas faire du nouveau système une application trop coûteuse : une étude attentive des terrains est nécessaire, si l’on ne veut rencontrer de fâcheux obstacles au libre passage des câbles. En effet, même alors que la surface à labourer est restreinte et ne dépasse point un demi-hectare, les frais de déplacement et d’installation des machines et appareils peuvent porter la dépense du labourage à la vapeur au-delà du prix coûtant des labours usuels. Certains obstacles s’élevant au-dessus de la superficie du sol, quelques arbres notamment ou des rochers en saillie, que la charrue légère à un seul soc, tirée par deux chevaux, peut aisément contourner, forceraient à démonter les câbles, à déplacer sans effet utile la quadruple charrue ainsi que la locomobile, et on laisserait en définitive inachevé un travail dispendieux.

Il y a loin toutefois de la pratique traditionnelle du labourage à l’emploi de cet énergique engin mécanique que nous venons de décrire, et qui creuse dans son mouvement rapide un quadruple sillon. Qu’est devenue, dira-t-on peut-être dans quelques années, l’antique charrue, traînée péniblement par des chevaux ou par des bœufs à la marche somnolente ? qu’est devenu ce rude travail du laboureur s’épuisant en efforts pour guider l’ustensile aratoire, pour aiguillonner ses animaux parfois indociles et maintenir à grand’peine la direction, l’espacement des sillons et la profondeur des raies, — travail qui suppose d’ailleurs une adresse spéciale, habituellement encouragée dans les concours[2] ? À cette occasion encore, quelques craintes se sont manifestées. Le nouveau labourage mécanique ne doit-il pas, en se propageant, nuire à l’élève du bétail ? Nous ne le pensons pas, et, loin de redouter une aussi fâcheuse conséquence,

  1. Voyez la Revue du 15 octobre 1861.
  2. On a même très souvent remarqué que l’adresse des valets chargés de tenir les mancherons de la charrue exerce la plus grande influence sur le travail de l’instrument aratoire ; Quelques-uns de ces ustensiles néanmoins produisent des effets indépendans de l’adresse exceptionnelle du laboureur. L’une des dispositions les plus nouvelles et les plus remarquables à cet égard se rencontre dans la charrue Cougoureux : l’inventeur, ayant eu l’idée singulière de substituer au versoir ordinaire un disque qui tourne sur son axe, détermine dans la tranche de terre une telle désagrégation que l’un de nos mécaniciens les plus compétens, M. Combes, de l’Institut, a dit, en son expressif langage, que cette charrue « fait mousser la terre. »