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de l’adolescence, sont couronnées de fleurs et jouent aux osselets (qui ne se souvient du merveilleux dessin trouvé à Pompéi ?). Une mort précoce n’avait point interrompu les innocens plaisirs qu’elles continuaient dans les enfers.

Bientôt paraissent les héros homériques ou les sages des temps plus reculés, qui goûtent dans les Champs-Elysées une vie qui devrait être exempte de soucis ; mais ils n’ont laissé sur la terre ni leurs affections ni leurs haines. Les Grecs sont d’un côté, les Troyens de l’autre. Parmi les Grecs, on distingue Antiloque, la tête appuyée sur ses deux mains, Agamemnon, qui tient son sceptre, Protésilas, qui regarde Achille et Patrocle, que rien ne sépare plus. À l’écart, les ennemis d’Ulysse jouent aux dés, Ajax, Palamède, Thersite ; l’autre Ajax reste spectateur ; il est encore couvert de l’écume et du sel de la mer, comme un homme qui a péri dans un naufrage. Parmi les Troyens, on voit Hector assis, croisant ses mains sur son genou gauche et livré à une éternelle douleur, Sarpédon qui se cache le visage, Memnon sur le vêtement duquel sont brodés des oiseaux ; un nègre rappelle que Memnon régnait sur les Éthiopiens. Paris, encore imberbe, frappe dans ses mains, à la façon des pâtres, pour appeler Penthésilée ; mais la reine des Amazones, qui a dédaigné son amour quand ils vivaient, fronce les sourcils et le regarde avec mépris. Actéon et sa mère sont assis sur une peau de cerf et caressent un petit faon ; un chien de chasse est couché auprès d’Actéon. Orphée est adossé à un saule planté sur le tombeau d’Eurydice ; il caresse mélancoliquement les feuilles de l’arbre qui se penchent vers lui, sa main gauche tient la lyre. De l’autre côté de l’arbre est Promédon, l’un des admirateurs d’Orphée pendant sa vie. Schédios, tenant un poignard, le front couronné d’herbes, Pélias, dont les cheveux sont blancs, regardent également Orphée. Auprès de Pélias est assis Thamyris, aveugle, désespéré, la barbe en désordre ; à ses pieds gît sa lyre, dont les cordes sont brisées. Marsyas apprend à Olympus à tenir la double flûte.

Alors recommencent les supplices qui terminent la composition et servent de pendant à l’extrémité opposée. Des rochers escarpés se dressent, et Sisyphe s’efforce de rouler jusqu’à leur sommet l’énorme pierre qui retombe sans cesse. Une femme et une jeune fille portent de l’eau dans des vases brisés. Polygnote figurait ainsi les âmes qui n’avaient point été initiées aux mystères et qui ne s’étaient point rendues capables de contenir les vérités qu’on y révélait. D’autres femmes, un jeune homme, un vieillard, portent également des fragmens de vases ou rejettent aussitôt dans le tonneau l’eau qu’ils y ont puisée : c’étaient ceux qui pendant leur vie avaient méprisé l’initiation d’Eleusis. Enfin paraît Tantale, dévoré par la faim et la