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commencer par le latin, nous avons la Grammatica daco romana, sive Valachica, publiée à Vienne en 1826 par Jean Alexi, prêtre du diocèse de Gross-Wardein. C’est un ouvrage très bien fait et qui sera toujours consulté avec fruit par les savans; mais l’usage n’en peut devenir général parce qu’il est écrit en latin, et parce que, à côté de locutions qui ont vieilli, l’on ne trouve pas les expressions qu’un commerce plus fréquent avec l’Occident a introduites dans la langue. Il existe aussi, à notre connaissance, trois grammaires de la langue roumaine en allemand. La plus ancienne a été publiée à Hermannstadt par Molnar; elle est intitulée Walachisch-deutsche Sprachlehre. Une autre grammaire plus récente, Theoretisch-praktische Taschengrammatik zur leichten und schnellen Erlernung der romanischen Sprache (Méthode théorique et pratique pour apprendre promptement et facilement la langue roumaine) par Schoïmul, a été éditée à Vienne en 1855. Le roumain y est écrit en caractères slaves ou cyrilliques. L’ouvrage de J. Stahl, publié en 1860 à Bucharest, reproduit au contraire le langage roumain en lettres latines; il est intitulé Romanische Spracfdehre f’ür Deustche.

Jusqu’à ce jour, les personnes qui ne sont familiarisées ni avec le latin ni avec l’allemand n’avaient d’autre ressource que la Grammaire roumaine publiée à Bucharest en 1840 par M. Vaillant, un homme dont la vie a été consacrée à faire connaître la Roumanie dans notre pays, et qui mérite bien d’être appelé le pionnier littéraire de la France sur la rive gauche du Danube. Cet ouvrage est clair et composé avec soin, mais il est devenu rare : il est d’ailleurs écrit avec ces lettres cyrilliques que nous aimons beaucoup à cause de leur origine, dont nous apprécions hautement la richesse et la flexibilité, et que nous respectons infiniment quand elles sont appliquées à un idiome slave, mais qui voilent complètement le caractère essentiellement latin de la langue roumaine, et la rendent difficilement accessible à tous ceux qui ne sont ni Russes, ni Serbes, ni Bulgares, La nouvelle grammaire dont nous saluons avec plaisir l’apparition comme un nouveau lien entre la France et la Roumanie est écrite en caractères latins d’après le système orthographique qui tend à se généraliser dans les Principautés-Unies. Le plan en est bien conçu, l’exposition claire, les vocabulaires et dialogues bien coordonnés. L’autorité littéraire du faux Mircesco garantit suffisamment que nous y trouverons la vraie fleur de la langue de son pays, et non pas la langue artificielle et composite des indiscrets néologues, espèce de mosaïque grotesque dont l’auteur s’est moqué spirituellement dans l’une de ses comédies. M. Ubicini a placé en tête de la grammaire de Mircesco un aperçu historique où il résume heureusement de savantes recherches, dont la vulgarisation ne permettra plus à personne de soutenir malicieusement ou de répéter naïvement que la Roumanie est un pays grec ou un pays slave.


ADOLPHE D’AVRIL.


V. DE MARS.