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les folies en les empêchant d’éclater et de se dégriser d’elles-mêmes par l’expérience de leurs propres dangers. Ce qui rend au contraire la liberté à la fois si belle et si terrible, c’est qu’elle est la certitude que justice, et pleine justice, sera faite sur la terre, la certitude que toute erreur cachée au fond des esprits portera forcément tous ses fruits de malheur, et que désormais il n’y aura de prospérité que pour ceux qui auront appris par leurs fautes à voir juste et à bien vouloir.


J. MILSAND.



DES RÉCENTES ÉTUDES SUR LA LANGUE ROUMAINE.[1].


L’étude de la langue roumaine ou moldo-valaque se recommande à plusieurs titres. D’abord la question si intéressante et si compliquée de la formation des idiomes néo-latins appelle l’examen d’une langue de cette origine qui s’est constituée et conservée dans des conditions toutes spéciales, sans aucun commerce avec ses sœurs. En second lieu, on ne saurait oublier qu’il existe en roumain beaucoup de monumens littéraires qui ne demandent qu’à être étudiés pour que les savans en apprécient l’incontestable valeur au point de vue de l’histoire religieuse et politique de l’Europe orientale. Enfin, si l’on se place dans un autre ordre d’idées, il est manifeste que la connaissance du roumain est devenue une nécessité pour beaucoup d’ingénieurs, de négocians, de professeurs, d’officiers, voire de diplomates qui sont envoyés sur les bords du Danube par leurs gouvernemens, ou qui y sont appelés par leurs intérêts. Il suffira de rappeler que, dans le courant de l’année 1862, plusieurs centaines de négocians en soie, venant de l’Italie ou de la France, ont dû résider pendant plusieurs mois dans les Principautés-Unies, où la nature de leurs affaires les mettait en relations incessantes avec les paysans qui ne parlent que leur langue maternelle.

Il n’est pas non plus inutile de mentionner ici une circonstance assez remarquable, c’est que le roumain, là où il se trouve en contact avec d’autres langues, s’impose généralement aux étrangers pour l’usage commun. Le fait a déjà été signalé pour la Transylvanie, il y a une vingtaine d’années, par M. de Gérando. Nous avons pu nous-même constater en 1862 que, dans une ville considérable de la Turquie, composée de réfugiés de tous les pays, à Toultcha, où l’on parle dix-sept langues, ce n’est ni le grec, ni l’italien, ni le bulgare, ni le français, mais le roumain qui tend à devenir la langue d’échange commun entre tant de peuples divers.

En voilà plus qu’il n’en faut sans doute pour faire comprendre les motifs qui ont décidé un écrivain des plus populaires dans les Principautés-Unies à nous donner, sous le pseudonyme de Mircesco, une grammaire de la langue roumaine. Ce travail n’est cependant pas le premier dans son genre. Pour

  1. Grammaire de la langue roumaine, par M. V. Mircesco, précédée d’un aperçu historique sur la langue roumaine, par M. Ubicini; 1 vol. in-12. Paris, Maisonneuve, 1863.